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PEINTRES MODERNES
DE LA FRANCE

HIPPOLYTE FLANDRIN.

En apprenant, il y a quelques semaines, qu’Hippolyte Flandrin n’était plus, qui de nous, amis ou non, n’a mesuré aussitôt l’étendue d’une pareille perte? qui n’en a ressenti profondément l’amertume, entrevu tout d’abord la portée? C’est que la vie d’Hippolyte Flandrin n’intéressait pas seulement les progrès de notre art national; elle était aussi un bon conseil, une leçon pour tout le monde, depuis les jeunes artistes, auxquels elle enseignait le dévouement passionné au devoir, jusqu’aux artistes plus avancés dans la carrière, qu’elle pouvait rappeler à la bienveillance envers les rivaux, à la générosité envers les adversaires, et quelquefois au respect de leur propre indépendance.

Dieu sait cependant si le digne maître songeait à se proposer en exemple à personne! Jamais peintre n’eut moins que celui-là le goût, la pensée même de la domination; jamais homme n’exigea de soi davantage et ne demanda moins à autrui. Aussi sincèrement modeste qu’il était justement renommé, illustre en quelque sorte malgré lui, il semblait, dans ses rapports avec chacun, s’étonner des respects auxquels il avait droit, s’en effrayer presque, et s’excuser de sa gloire bien plutôt qu’en recueillir les fruits. Oui, mais que cet homme si prompt à s’effacer là où il n’y a en jeu que les intérêts de son amour-propre, que cet humble de cœur, s’il en fut, entre en lutte avec les plus graves difficultés de l’art et de la vie,