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Parmi les Écossais qui se trouvaient alors en France, et dont M. Francisque Michel poursuit scrupuleusement la trace, combien de noms intéressans par les rapprochemens qu’ils amènent! Ici, dans la garde de Charles VII, voici un soldat nommé Poquelin qui fera souche sur la terre de France, et dont un arrière-neveu, s’il faut en croire certaines conjectures, pourra bien être Molière lui-même. Là, c’est un peintre qui dessine le portrait de Jeanne d’Arc ; plus loin, un gentilhomme qui, dans son enthousiasme pour « cette fille digne de mémoire qui fut cause de la récupération du royaume de France des mains de Henry tyran, roi d’Angleterre, » la suit partout « en ses quêtes et récupérations, » est toujours présent à sa vie et présent aussi à sa mort. Marguerite d’Ecosse, mariée toute jeune au dauphin, à celui qui sera un jour Louis XI, occupe une place douloureuse dans cette galerie. On est tenté de lui appliquer les paroles si tendres de Bossuet à propos de la mort de Madame : « Le matin, elle fleurissait, avec quelle grâce, vous le savez! Le soir, nous la vîmes flétrie... » C’est elle qui, devant régner en France, étudiait avec tant d’amour notre langue, notre poésie naissante; c’est elle qui, émerveillée de la prose et des vers d’Alain Chartier, de l’écrivain qui avait contribué par ses manifestes à ce réveil national d’où était sortie Jeanne d’Arc, lui donna un jour un témoignage si candide de son admiration. Comment elle mourut, par quelles lâches intrigues, dans quelles souffrances imméritées, mais aussi au milieu de quelle désolation publique, demandez-le aux chroniqueurs dont M. Francisque Michel a rassemblé les textes.

De règne en règne, tant que dure la rivalité de la France et de l’Angleterre, on voit se resserrer les liens de l’Ecosse et de la France. Un des plus curieux épisodes de cette histoire, c’est l’ordonnance par laquelle Louis XII accorda des lettres de naturalité à toute la nation écossaise en masse. (Septembre 1513.) Après des alternatives, dont M. Francisque Michel nous indique le secret, l’alliance, un peu relâchée par momens, se renoue d’une façon plus étroite. Les guerres religieuses établissent de nouveaux courans dans les échanges que se font les deux peuples. Tandis que les protestans de France vont se presser autour de John Knox et préparer les révoltes sous lesquelles succombera Marie Stuart, des catholiques écossais viennent chercher un asile en France. Je citerai comme une des parties les plus neuves du travail de M. Francisque Michel les rapports littéraires de la France et de l’Ecosse pendant la seconde moitié du XVIe siècle, la mission du poète Du Bartas auprès de Jacques VIe l’installation des savans écossais dans nos universités, le rôle important qu’ils y jouèrent et que l’Ecosse de nos jours rappelle encore avec orgueil. « Durant les XVIe et XVIIe siècles, écrit sir William Hamilton, il était rare de trouver sur le continent une université sans professeur écossais. » Et il ajoute : « La France fut longtemps la grande pépinière des talens de l’Ecosse. »

L’auteur de ces recherches ne pouvait oublier le collège des Écossais à