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L’INSTRUCTION SUPÉRIEURE
EN FRANCE
SON HISTOIRE ET SON AVENIR

Entre les meilleurs symptômes de notre temps, il faut compter le goût général qui s’est manifesté depuis peu pour les exercices de l’esprit, l’éveil qui en est résulté dans le public éclairé ou avide de s’instruire, les facilités accordées par l’administration au développement de ces utiles essais. Un danger, comme il arrive toujours, s’est révélé à la suite des tentatives nouvelles. Beaucoup de personnes, et des plus sérieuses, ont cru remarquer que la démocratie, en mettant au premier rang l’intérêt des classes les plus nombreuses, en posant comme un principe que ce que tous paient doit être utile à tous, finirait par porter un grave préjudice aux grandes découvertes, à celles qui prennent naissance dans la pensée d’un petit nombre avant de devenir le bien commun de l’humanité. Il est certain en effet que la haute culture est, à quelques égards, une chose tout à fait aristocratique. Pour y prendre part, il faut des études spéciales, une vie entièrement vouée à la recherche et à la méditation. Pour en sentir le prix, il faut une étendue de connaissances, une philosophie, une vue d’ensemble sur l’avenir et le passé, dont très peu de personnes sont capables. Si un jour les contribuables, pour admettre l’utilité du cours de mathématiques transcendantes au Collège de France, devaient comprendre à quoi servent les spéculations qu’on y enseigne, cette chaire courrait de grands risques. Je crois cependant que ces inquiétudes reposent sur une idée inexacte des aspirations du peuple dans les temps modernes. Pas plus dans l’ordre des choses de l’esprit que dans l’ordre politique et social, le peuple n’est capable d’analyser ce qu’il veut; mais il veut avec justesse. Ce que