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et il serait difficile de les bien établir; toutefois il n’est pas possible que certaines nécessités récentes et bien connues de sa politique aient laissé absolument intacte sa liberté d’action. Sans doute M. de Brunnow aura dû soutenir aussi vivement que personne dans la conférence le traité de Londres, auquel personnellement il a pris une si grande part; en 1852, c’était, comme on peut se le rappeler, le cabinet de Saint-Pétersbourg qui dictait la paix, et M. de Brunnow tenait la plume. Il n’en faudrait pas rigoureusement conclure à une attitude très énergique du gouvernement russe. contre les prétentions excessives de l’Allemagne. On doit toujours se rappeler que l’insurrection de Pologne est à peine éteinte, et que le souvenir tout au moins est vivant encore des obligations récentes que la Russie a contractées envers l’Autriche et la Prusse. Si le célèbre pacte conclu au XVIIIe siècle par ces trois cours a déposé dans le champ de la politique européenne un germe funeste, dont nous voyons sans cesse et dont nos fils verront longtemps encore apparaître çà et là les rejetons, le grain que le conflit dano-allemand a fait éclore dans le sol des duchés paraît être de même nature. La Prusse l’a cultivé avec un indiscret empressement; l’Autriche, comme autrefois, a suivi, et certains esprits craignent que le cabinet de Saint-Pétersbourg ne veuille être, lui aussi, de la future moisson. C’est sans doute prévoir les partages de trop loin; l’Europe est de nos jours, après une longue et dure expérience, suffisamment avertie, et, pour peu que le gouvernement russe n’ait plus de goût pour les aventures, son intérêt bien entendu ne paraît pas en contradiction avec celui de l’Angleterre et de la France. Il se trouvera du reste en demeure, si la conférence discute, comme il faut l’espérer, toutes les conditions d’un arrangement définitif, de témoigner jusqu’où va son bon vouloir pour le bien commun de l’Europe. Un rival de M. le duc d’Augustenbourg se présente, le grand-duc d’Oldenbourg, qui s’autorisera des liens naturels entre sa famille et la maison impériale de Russie. D’un autre côté, si la succession fixée en 1852 pour la monarchie danoise n’est pas reconnue, la Russie reparaît avec son droit réservé sur la partie du duché de Holstein qui comprend précisément la rade de Kiel. L’occasion en sera d’autant plus belle pour le cabinet de Saint-Pétersbourg de contribuer, s’il le faut, par des sacrifices personnels à la paix de l’Europe.

Après l’Angleterre, la France et la Russie, on compte encore au nombre des puissances neutres signataires du traité de Londres le royaume-uni de Suède-Norvège, qui a, lui aussi, dans le conflit dano-allemand des intérêts immédiats. Même ces intérêts sont tels qu’on s’étonne tout d’abord de trouver ce gouvernement parmi les neutres; l’étonnement s’accroît, si l’on se rappelle que, six mois à peine avant l’ouverture de la guerre, des négociations étaient engagées entre les cabinets de Copenhague et de Stockholm en vue d’une alliance défensive. Vers le 15 octobre de l’année dernière, on était d’accord sur les bases et même sur les détails du traité, et le roi Frédéric VII adressait à son ministre des affaires étrangères, M. Hall,