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les puissances neutres dans leurs calculs pour que les prétentions et les intérêts soient devenus de part et d’autre faciles à saisir. Si l’on étudie avec soin dans quelles dispositions les huit cours signataires du traité de Londres ont abordé la conférence anglaise, on peut déterminer assez exactement quelles perspective se présente d’un rétablissement prochain et durable de la paix. En ce moment, il est vrai, la confusion est extrême ; elle ne date pas d’aujourd’hui : il a fallu que l’Europe fût singulièrement dénuée de cohésion, c’est-à-dire privée de tout système d’alliances politiques, pour que la diplomatie, appliquée spécialement à cette question dano-allemande pendant quinze années, se trouvât impuissante à prévenir une guerre si longtemps annoncée et prévue. Certains principes de droit public paraissent être singulièrement effacés, et dans ce désordre à la fois politique et moral on cherche tout d’abord avec inquiétude où sont la sauvegarde du faible et la garantie d’une sécurité commune. Peu à peu cependant on se rassure. les principes fondamentaux du droit public, s’ils sont un instant opprimés par la passion d’un peuple puissant, triompheront d’eux-mêmes. A l’origine du débat diplomatique duquel dépend aujourd’hui la paix ou la guerre, il est certainement possible de découvrir, derrière les dispositions évidentes et déjà déclarées de chacune des puissances neutres, leur adhésion incontestable à un grand intérêt général et européen, le maintien de l’intégrité de la monarchie danoise. Nous n’inventons pas cette définition, c’est l’Europe qui l’a donnée en 1852 : toutes les principales cours, même de l’Allemagne, ont déclaré alors que l’intégrité danoise importe à la sécurité générale. Une agression allemande est venue donner un violent démenti à cette déclaration solennelle; voyons si les intérêts particuliers de chaque puissance neutre, examinés à nouveau, n’aboutissent pas à la même conclusion qu’on avait adoptée naguère, si certaines prétentions des puissances assaillantes, dépassant un vœu légitime, ne s’éloignent pas, au profit de vues égoïstes, du but vers lequel il faut les ramener, et quelle solution enfin, de nature à satisfaire peut-être l’Allemagne elle-même, il serait permis d’attendre.

On ne doit pas s’étonner que le gouvernement anglais ait pris sur lui de provoquer pour cette seule question une conférence, et qu’il mette tous ses soins à la faire réussir, car nul grand gouvernement parmi les neutres n’est compromis au même degré dans les affaires danoises, et n’a d’intérêt aussi pressant à ce qu’un résultat heureux soit, obtenu. C’est, à vrai dire, un triste récit que celui des relations politiques entre l’Angleterre et le Danemark dans les vingt dernières années; le souvenir de 1807 les domine; ce souvenir n’est pas encore éteint, il s’est représenté plus d’une fois. On sait comment, après que la flotte anglaise eut brûlé le tiers de Copenhague et détruit ou enlevé la marine danoise afin d’enchaîner et de punir un allié de Napoléon, le cabinet britannique contribua, lors de la paix en 1814, à dépouiller le Danemark de la Norvège et prit lui-même Helgoland; des alliés de l’empereur, le Danemark fut le plus maltraité, et