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ont regretté ce concours et ce bruit. Il y aurait en à leurs yeux une sorte de bienséance à laisser s’éteindre ce titre avec l’homme de bien qui l’avait si honorablement porté. Le duc de Montmorency était de la race des modestes et des fidèles ; c’est à peine si le monde a connu le dévouement touchant et constant, mais sans fracas et sans faste, qu’il a porté à une grande maison française frappée par une solennelle infortune. Si, tandis que l’on prend son titre de duc, Montmorency vivait aujourd’hui, il partagerait simplement à cette heure une douce joie de famille avec ceux à qui il avait gardé sa précieuse amitié. Pourquoi cet honneur de noblesse, qui finissait si naturellement avec lui, est-il remis en vigueur au profit d’un autre? Qu’est-ce qu’un titre de duc pour des descendans de vieilles races, aujourd’hui qu’il n’y a plus de duché-pairie? Que l’on fasse de nouveaux nobles, même après 1789, nous le comprenons, puisqu’un grand bomme l’a voulu et essayé; mais que l’on reporte un titre éteint de l’ancienne noblesse sur un collatéral éloigné, nous avouons que s’il existe une législation qui autorise ces octrois de faveur, nous serons curieux qu’il en soit donné connaissance dans le procès-qui s’engage à ce sujet.

Peut-être nous sera-t-il permis encore, quoique bien tard, de nous associer au deuil qui frappait, il y a quinze jours, la famille de M. J. de Rothschild. Les regrets sentis qu’a inspirés la mort de M. Salomon de Rothschild se sont exprimés dans l’empressement universel qui a entouré sa famille, si inopinément, si cruellement atteinte. Salomon de Rothschild est mort à vingt neuf ans. Il est mort sans avoir rempli le rôle auquel il était appelé dans les grandes affaires économiques de notre époque; mais à ceux qui l’ont connu il avait déjà prouvé que ce rôle, il l’eût rempli dignement. Il avait une juvénile ardeur d’esprit et une rare chaleur d’âme. Il travaillait avec l’application d’un jeune homme qui aurait eu besoin d’être le fils de ses œuvres. Il aimait les livres, les arts comme les affaires. Il s’intéressait à tout, se mêlait à tout. Il avait une pétulance bonne et communicative. A voir son activité, il semble qu’un instinct secret l’avait averti qu’il devait se hâter de vivre. Mille traits de gracieuse délicatesse, de cordiale générosité, que sa modestie et son bon goût tinrent cachés pendant sa vie, se révèlent maintenant chaque jour, et le font revivre doucement dans la mémoire de sa famille et de ses amis, où sa spirituelle et attachante figure ne sera jamais effacée.


E. FORCADE.


LA CONFERENCE DE LONDRES
ET LES INTÉRÊTS EUROPEENS DANS LA QUESTION DANO-ALLEMANDE.

La guerre engagée depuis quatre mois entre le Danemark et l’Allemagne a déjà entraîné assez loin les puissances belligérantes dans leurs actes et