Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/743

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres de la majorité. Il y avait sur ces bancs des hommes de mérite, laborieux, modestes, à qui il ne manquait que le stimulant de l’émulation ou l’encouragement et la récompense des regards du public. Ces hommes, on peut le dire, quoiqu’ils eussent passé déjà bien des années dans le corps législatif, n’ont été mis véritablement en valeur et en lumière que cette année. C’est un capital enfoui qui a été rendu à la circulation. La majorité a donc pris d’autant plus de goût aux débats publics qu’elle s’est aperçue que plusieurs des siens y pouvaient tenir leur rang. Nous n’avons pas besoin de citer des noms. Cette première rencontre de la majorité issue des candidatures officielles et de l’opposition libérale ne s’est donc point trop mal passée, et nous avons le droit d’en tirer bon augure. Il y a bien eu dans ce nouveau ménage de la chambre quelques incidens sur lesquels on pourrait élever de justes plaintes. Quelques discussions ont été trop brusquées : la majorité n’a point encore assez d’haleine pour permettre qu’un orateur d’opposition essaie de répondre à un grand discours d’orateur officiel ; la majorité aime trop à vt)ter sous l’effet bruyant et triomphant de la harangue ministérielle. Une fois même, à la fin de la session, un important discours que M. Thiers se proposait de prononcer a été pour ainsi dire escamoté par un tour de vitesse imprimé à la votation. Il s’agissait du budget rectificatif de 1864; le budget rectificatif de l’année est bien le budget réel, celui qui doit serrer la dépense d’aussi près que possible, et mesurer les ressources avec précision, puisqu’il porte sur l’exercice courant, à moitié écoulé. Avec notre nouveau mode de comptabilité financière, le budget rectificatif devrait donc toujours être l’objet d’une discussion pratique très sérieuse. L’ouverture d’une séance avancée d’une demi-heure sans que M. Thiers dût le prévoir a empêché l’illustre orateur d’exposer sur le vrai budget de 1864 des observations attendues par le public, et qui eussent pu profiter au gouvernement ; mais, si l’on oublie cette espièglerie d’un goût assez équivoque et quelques impatiences regrettables, il faut convenir qu’en somme l’attitude du corps législatif durant la session n’est pas faite pour décourager ceux qui espèrent dans l’avenir du régime représentatif. Pour notre part, nous nous associons sans pruderie à la bonne humeur qui a inspiré les adieux concilians et gais adressés à la chambre par M. de Morny.

Ce que nous avons dit de la chambre à propos de l’impression produite sur elle par la dernière session, on devrait se croire autorisé à le dire aussi du gouvernement. En dépit des bruits qui ont, à plusieurs reprises, circulé depuis six mois, l’expérience législative de cette année a été ce qu’un gouvernement prévoyant et sage devait souhaiter. Le gouvernement a trouvé, dans les travaux de cette session, pour l’esprit public une occupation utile, pour l’expédition des affaires un concours efficace et un contrôle exercé avec prudence et modération, pour quelques-uns de ses représentans devant la chambre l’emploi d’un réel mérite et d’un talent qui