Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clergé catholique, d’admettre les catholiques dans les emplois publics, de ne plus les exclure du parlement, et d’établir sur de nouvelles bases la perception des dîmes. La majorité du cabinet y donna son adhésion, tandis que la minorité, tout en les approuvant en principe, en contesta l’opportunité; mais cette grande réforme ou plutôt ce grand acte de justice ne devait s’accomplir que trente ans plus tard, et il échoua alors devant les scrupules du roi.

En vain, dans deux lettres dictées par la plus haute raison politique et un sentiment parfait d’équité, Pitt représenta au roi George III que, le parti jacobite ayant cessé d’exister, il n’y avait plus à craindre ni guerre civile, ni guerre religieuse, ni prétentions au trône de la part des princes étrangers ou catholiques, que les catholiques, jadis ennemis de l’ordre établi, y étant ralliés désormais, le serment exigé d’eux n’avait d’autre résultat que de priver le pays des services de sujets loyaux et fidèles ; en vain il lui représenta l’avantage pour l’état de s’attacher le clergé catholique par une rémunération et de se donner ainsi les moyens d’exercer sur lui un contrôle efficace : le roi, convaincu qu’en adhérant au plan proposé il violerait le serment prêté à son couronnement, fut inflexible, il se croyait obligé par ce serment à maintenir intacts les principes fondamentaux de la constitution anglaise, parmi lesquels il plaçait au premier rang la condition pour tous les serviteurs de l’état d’appartenir à l’église établie et de recevoir la sainte communion conformément à ses rites. Une fois de tels scrupules entrés dans un esprit aussi honnête, mais aussi étroit que celui de George III, il était difficile qu’ils en sortissent, si sa conscience n’était pas éclairée par l’avis de personnes dont le caractère religieux et le savoir juridique pussent, en pareille matière, lui inspirer quelque confiance. Loin de là, il fut confirmé dans ses sentimens par l’opinion du chancelier et celle de plusieurs prélats opposés, les uns par principe, les autres par des motifs d’opportunité, à toute modification dans l’état des catholiques, et il crut faire une grande concession à Pitt en lui offrant de s’engager l’un et l’autre à garder désormais le silence le plus complet sur cette question. « Ce sera, lui écrivit-il, une contrainte que je m’imposerai par affection pour M. Pitt; mais je n’irai pas plus loin, car je ne puis sacrifier mon devoir à aucune considération. This restraint I shall put on myself from affection for M. Pitt ; but further I cannot go : for I cannot sacrifice my duty to ony consideration. »

Peut-être dans l’espoir que le temps et de meilleurs conseils affaibliraient ces répugnances, mais ne voulant pas leur sacrifier des droits et des intérêts trop longtemps méconnus, Pitt eût-il consenti à ne pas saisir immédiatement le parlement de la question catholique et même à user de son influence sur ses amis pour les engager à ne