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l’avenir, appelé à en recueillir les profits, contribuât aussi aux frais qu’elle occasionnait. Le système d’emprunt en rentes perpétuelles avait donc eu le double avantage de mettre à la disposition du gouvernement les capitaux dont il avait eu besoin, et de faire participer les temps futurs aussi bien que les temps présens aux charges de la guerre par le service des intérêts et de l’amortissement; mais, quelque étendu et solide que soit un crédit, il est prudent de ne pas en abuser, et Pitt comprit qu’il fallait ménager celui de l’Angleterre. En conséquence, après de longs et vifs débats, il fut décidé, sur sa proposition, que les 25 millions de livres sterling seraient demandés à la fois au crédit et à l’impôt : l4 millions durent être empruntés par la voie ordinaire, 3 millions fournis par la banque comme condition du maintien de la suspension du paiement en espèces, et le surplus obtenu par une aggravation des assessed taxes ou impôts directs portant sur les maisons habitées, les fenêtres, les voitures, chevaux, patentes de marchands de chevaux, domestiques, chiens, poudre à coiffer, armoiries, horlogers, permis de chasse, la plupart établis seulement depuis la guerre. Le produit total de ces surtaxes fut évalué à 7 millions de livres sterling, et pour parer à toutes les éventualités, on inséra dans le bill, sur la demande de M. Addington, une clause qui avait pour objet de provoquer une souscription nationale. Les surtaxes, à raison des moyens employés pour y échapper, ne donnèrent guère plus de 4 millions de livres sterling; mais la souscription en produisit 2 millions, et les ressources réalisées atteignirent ainsi à peu près le chiffre qu’on avait espéré. Du reste les besoins auxquels il fallut pourvoir dépassèrent de beaucoup les prévisions. Le général Bonaparte ayant été chargé par le directoire de préparer sur les côtes de France une expédition contre l’Angleterre, de nouveaux efforts devinrent nécessaires pour repousser cette invasion. Le chancelier de l’échiquier fut donc autorisé à emprunter 17 millions de liv. st. au lieu de 14 millions, et sur sa proposition fut également adoptée une mesure tout aussi avantageuse aux intérêts du trésor qu’à ceux du commerce. Depuis le commencement de la guerre, les bâtimens de commerce voyageaient pour la plupart en convoi sous la protection des vaisseaux de la marine royale. Néanmoins un certain nombre avaient été expédiés seuls et au hasard dans les diverses parties du monde. Plusieurs avaient été pris, des cargaisons d’une grande valeur avaient été perdues, et, ce qu’il y avait de plus regrettable, des équipages éprouvés faits prisonniers manquaient au pays, alors qu’ils auraient pu lui rendre de si grands services. Pitt voulut mettre un terme à cette funeste pratique, et en conséquence il fit décider par le parlement qu’à moins d’avoir obtenu de l’amirauté l’autorisation de partir seul, tout bâtiment de commerce devait