Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1864.

On n’est jamais plus fondé en politique à compter sur des éclaircies, au moins passagères, qu’au moment où les choses paraissent le plus embrouillées et le plus compliquées, qu’à l’heure où les difficultés semblent être arrivées au plus extrême degré de tension. C’est le phénomène que nous venons de voir se produire dans les affaires du Danemark. On désespérait de la conférence, on croyait que les puissances allemandes n’avaient accepté les pourparlers diplomatiques que pour se jouer des puissances neutres. Les ajournemens opposés par leurs plénipotentiaires aux propositions d’armistice avaient l’air d’une comédie. Ces puissances savaient d’avance que la première question sur laquelle la conférence serait appelée à délibérer devait être la suspension des hostilités. À plusieurs reprises cependant, la délibération a dû être interrompue sous le prétexte que les instructions manquaient aux plénipotentiaires allemands ; ce défaut d’instructions sur le premier point indiqué du programme avait l’air d’une moqueuse impertinence adressée aux puissances neutres. On s’aigrissait de toutes parts. Le cabinet anglais, agacé, croyait devoir prendre l’attitude comminatoire : il envoyait son escadre aux Dunes. Toujours tardive et maladroite en ses mouvemens, l’Autriche faisait enfin arriver dans les eaux du Nord sa petite flotte de la Méditerranée, comme pour offrir une excitation et une pâture aux convoitises et aux colères de John Bull. Le chef de l’armée prussienne semblait prendre plaisir à déjouer l’œuvre de la conférence et à redoubler les sympathies de l’Europe pour le malheureux Danemark par la façon dont il pressurait le Jutland. La chambre des communes, humiliée et irritée, était prête à rompre le silence, et en France ceux qui n’ont point pris le triste parti d’ignorer la portée des questions extérieures ne croyaient pas non plus avoir lieu d’être fiers ni satisfaits. C’est lorsque tout se brouillait ainsi et qu’on croyait toucher à une crise, que, comme cela était na-