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de cygne. — Qu’est-ce donc ? fit-elle étonnée en se tournant vers moi. Que signifie ceci ?

Sans lui répondre, je tirai du carton un écrin incrusté d’argent ; je fis jouer un ressort, et je déroulai un collier de perles à ses regards émerveillés. — Acceptez, lui dis-je, pour l’amour de moi. Les perles vous vont à ravir. Elle se souvint du collier que le baron lui avait offert en mon nom la veille de notre mariage, et elle sourit. — Ce soir, ajoutai-je, je donne un grand dîner et un bal. Parez-vous, Camille, soyez belle ; voici nos véritables noces.

Tout à coup la porte du boudoir s’ouvrit et livra passage à une charmante jeune femme. Je poussai une exclamation de surprise : mon inconnue de Londres était là devant moi, dans une robe de gaze, des fleurs dans les cheveux, des fleurs à son corsage, souriant à la vue de mon trouble et de Camille, qui avait encore les yeux humides.

— Eh bien ! ma chère, dit la jeune femme à Camille, ne me présentez-vous pas à votre mari ?

Camille la prit par la main.

— Miss Olympia Barton, me dit-elle, aujourd’hui lady Lowley, mon excellente amie, dont je vous ai souvent parlé.

Lady Lowley me fit une révérence moqueuse. Je balbutiai quelques mots, et, saluant, je me sauvai du boudoir de ma femme comme un écolier pris en faute.

Dans le couloir, je rencontrai le baron.

— Comment se fait-il, lui dis-je, que lady Lowley ou miss Olympia, si vous l’aimez mieux, soit précisément mon inconnue de Londres ?

— Mon ami, me répliqua froidement le baron, je ne connais pas encore lady Lowley ; quant à votre inconnue de Londres, je ne sais ce que vous voulez dire. Si vous avez eu dans cette ville quelque intrigue galante, tant mieux pour vous ; mais parlez-en le moins possible : personne ne trahira les secrets que vous garderez pour vous seul.

Sur cet aphorisme d’une incontestable justesse, il me fit un léger salut et se retira. Tout en réfléchissant à ce dernier incident, je me rendis dans ma chambre, où je m’habillai, et je descendis au salon.

Lady Olympia s’approcha de moi pour me présenter à sir Edward Lowley ; puis elle m’offrit sa main. Je la portai à mes lèvres avec l’assurance d’un homme de cour, et la baisai avec une grâce toute chevaleresque. — Il ne m’aime plus, pensa en elle-même cette charmante folle. — Elle avait raison. L’avais-je même jamais aimée ? Je l’ignore ; je sais seulement que lorsqu’on n’aime plus, on ne se souvient guère d’avoir aimé.