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Camille arriva le jour qu’elle avait marqué, précédant de quelques heures lady Olympia et son mari. Je la reçus sur le marche-pied de la voiture, et après lui avoir demandé des nouvelles de son voyage et de sa santé, je la laissai se retirer dans son appartement. Dans l’après-midi, George, revenu de la veille, me signala sur la route l’arrivée des fourgons qui transportaient le matériel de la fête : je lui ordonnai d’avoir l’œil à tout, et tandis que le baron faisait les honneurs du château aux invités, je me fis annoncer à Camille, et je me présentai à elle avec l’émotion d’un amant qui va risquer un premier aveu.

Je m’assis auprès d’elle et lui demandai assez naïvement si elle ne s’ennuyait pas un peu de la vie monotone qu’elle menait à Saverne. Le ridicule qu’une telle question pouvait avoir dans ma bouche était singulièrement modifié par le ton de voix dont je la faisais. Il y avait dans-mon regard et mon sourire comme une promesse d’amendement pour l’avenir, et je ne sais quoi qui fit rougir la comtesse.

Elle me répondit qu’elle m’avait épousé en sachant très bien ce qu’elle faisait, résignée d’avance à tout ce qui devait arriver.

— C’est de l’héroïsme, lui dis-je,

— Qui ne risque rien n’a rien, répliqua-t-elle en baissant les yeux et en sous-entendant la moitié de sa pensée.

Je lui pris la main.

— Le cœur a des inspirations secrètes, poursuivit-elle ; vous aviez beau me fuir, je me disais : Il reviendra !

Elle parla sur ce ton avec une aisance parfaite. Sûre désormais d’elle-même et de moi, elle m’ouvrit les trésors de son esprit. Elle me fit l’histoire de mon cœur, éclairant les coins encore obscurs de ce passé plein de troubles et de contradictions. J’étais ravi, et je l’admirais. Je savais depuis longtemps qu’il y avait au fond de cette âme blessée un impérieux besoin d’affection et de dévouement ; mais j’ignorais qu’il y eût à côté de cette âme une intelligence supérieure, une intuition aussi nette des nuances, une pénétration aussi délicate de ces choses que l’on peut sentir, mais que la parole ne rend pas. Le baron avait raison ; je n’avais rien su voir : Camille était une femme incomparable.

Tout en parlant, elle fit allusion à mon aventure de Londres. Je compris qu’il lui en restait une pointe d’inquiétude. Je lui racontai alors en plaisantant toute la vérité.

— Amour de tête ! dis-je. Il fallait bien que l’imagination fût prise une bonne fois pour que la passion pénétrât jusqu’à l’âme.

En ce moment, on apporta un carton qui fut remis à Camille. Elle enleva le couvercle et retira d’abord une robe de satin blanc bordée