Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/448

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion ce mouvement remarquable est suivi non-seulement dans la principauté, mais autour d’elle, dans ce monde de plus en plus curieux et agité qu’on appelle la Iougo-Slavie, et dont Belgrade est le centre littéraire.


II.

Nous avons parlé de la Iougo-Slavie et des Iougo-Slaves en faisant allusion à ce qu’on pourrait appeler la grande idée des Serbes par opposition à la grande idée des Grecs. Que faut-il donc entendre par ces mots?

La Serbie ne finit pas aux frontières du petit état dont Belgrade est la capitale. Par-delà ces frontières s’étendent d’autres contrées entièrement serbes par la race et par l’histoire : au midi, la Vieille-Serbie (Stara-Serbia) et une portion de l’Albanie qui abondent en lieux et en souvenirs historiques, — le champ de bataille de Kossovo, Prizren, ancienne capitale deDouchan, Ipek, où résidait le patriarche serbe Prilip, qui donna naissance à Marko Kraliévitch (Marco, fils de roi), le Roland des chansons de gestes serbes; — à l’ouest, la Bosnie, l’Herzégovine, le Monténégro; au nord, séparé de la principauté par le cours de la Save et du Danube, l’ancien Voîdsvotvo serbe (Voïvodie), composé de la Sirmie, d’une partie de l’Esclavonie et du Banat. L’ensemble de ces contrées comprenant, selon l’historien Davidovitch, onze territoires distincts, forme ce qu’on nomme Serbia, la terre ou le pays serbe, la Serbie. Une moitié environ appartient à la Turquie, l’autre moitié à l’Autriche. La population se répartit de même par portions à peu près égales : 2,300,000 habitans pour la Turquie, 2,700,000 pour l’Autriche. L’unique langue parlée et écrite est le serbe. La religion est la religion grecque orthodoxe. Les Serbes autrichiens relèvent spirituellement du métropolitain de Karlovitz, qui prend le titre de patriarche. Les Serbes de Turquie, dont le lien religieux a été rompu depuis la suppression du patriarcat d’Ipek en 1768, sont compris dans la juridiction du patriarche œcuménique de Constantinople. L’église serbe proprement dite, l’église de la principauté, est indépendante ou autocéphale.

A l’ouest et à l’est du pays serbe s’étendent deux groupes compactes : — l’un slave, les Croates, au nombre d’un million, tous catholiques; — l’autre entièrement slavisé, les Bulgares, de trois à quatre millions, orthodoxes. Les Serbes, les Croates et les Bulgares composent la grande branche des Slaves méridionaux ou Iougo-Slaves (de iong, sud), qui occupent tous les territoires situés au nord et au sud des Balkans, de l’Adriatique à la Mer-Noire. Jadis,