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que touchent vos évêques. » Je fus ainsi amené à lui parler de la constitution civile de notre église, de ses rapports avec l’état, du concordat, etc. Toutes ces choses parurent l’intéresser vivement. Il me pria de les lui expliquer, les mots de parti clérical, ultramontain, etc., n’éveillant pas de bien nettes idées dans son esprit. Il avait peine à comprendre une opposition par le clergé et au nom du clergé. En effet, dans un pays comme la Serbie, où le prêtre et le citoyen ont toujours été confondus, une église qui distingue sa cause de celle de la nation et affecte de prendre son mot d’ordre à l’étranger, paraît une chose anormale et monstrueuse. La conversation tomba ensuite sur les monastères dédiés de la Moldo-Valachie[1]. L’archimandrite Dionysios (tel était le nom de mon interlocuteur) condamnait les prétentions des moines grecs, non comme injustes (la question légale le préoccupait médiocrement), mais comme contraires au bien de l’état, qu’il plaçait au-dessus de tout. Comment admettre, disait-il, que le cinquième ou le sixième du revenu territorial d’un pays aille à des communautés religieuses étrangères qui non-seulement ne sont d’aucune utilité à ce pays, mais qui le plus souvent, liguées avec ses ennemis, lui font la guerre avec ses propres deniers, et mordent dans l’ombre la main qui les nourrit?

Il est donc hors de doute que le gouvernement serbe n’a point eu à lutter contre les obstacles qui ont entravé à chaque pas la marche de l’administration en Moldo-Valachie, et c’est peut-être à l’organisation politique sortie des réformes de 1861 que la Serbie doit de si rapides progrès. Cette organisation mérite bien, on le voit, qu’on en dise quelques mots.

Le gouvernement de la principauté serbe est monarchique constitutionnel. Le prince, le kniaz, assisté de ministres responsables, a la plénitude du pouvoir exécutif. Il partage l’autorité législative avec un sénat (soviet) permanent et une assemblée nationale (skouptchina) qui se réunit tous les trois ans. Tout citoyen payant l’impôt est de droit électeur et éligible à la skouptchina. Une chambre spéciale, chargée du contrôle et de la vérification des comptes, est annexée au sénat. La principauté est divisée en 17 départemens (18 en y comprenant la ville de Belgrade, qui forme un district séparé assimilé aux départemens), subdivisés en 61 arrondissemens et 1,067 communes. La population totale était, à l’époque du dernier recensement (1859), de 1,102,128 habitans. Les départemens sont administrés par des préfets (natchalniks), les arrondissemens par des sous-préfets. Les communes gèrent elles-mêmes leurs affaires,

  1. Voyez, au sujet de cette grave question, qui vient d’être tranchée en fait par un décret du prince Couza en date du 25 décembre 1863, un article de M. A. d’Avril dans la Revue du 1er octobre 1862.