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son foyer par la force des armes. Pitt lui-même, en plein parlement, avait qualifié d’esclavage intolérable la liberté nominale dont on prétendait jouir en France; il avait cependant applaudi à une partie des réformes opérées, et espérait le triomphe des principes modérés. « A l’état de convulsion où se trouve actuellement la France, disait-il dans la séance du 9 février 1790, succéderont tôt ou tard un accord général et l’établissement d’un état de choses parfaitement régulier, et bien qu’une pareille situation puisse la rendre plus redoutable, elle peut aussi la rendre moins incommode pour ses voisins. Je désire donc le retour de la tranquillité dans ce pays, bien qu’il me paraisse encore éloigné. Lorsque son système de gouvernement sera définitivement constitué, si c’est la liberté bien comprise, la liberté résultant du bon ordre et de bonnes institutions, la France sera une des premières et des plus brillantes puissances de l’Europe. Et quant à moi je ne saurais voir d’un regard jaloux les états voisins s’approprier aussi ces sentimens qui caractérisent tous les membres de la nation anglaise. » Il évitait donc, et c’était là une règle absolue de sa politique, de s’immiscer dans les luttes intérieures de la France, et soit par la voie diplomatique, soit par des voies particulières, il échangeait des explications pacifiques avec les chefs du parti populaire. Il était décidé à maintenir aussi longtemps que possible une paix qu’il considérait comme essentielle au bien-être de l’Angleterre, et de laquelle dépendait le succès de toutes ses combinaisons financières.

Le budget et les propositions qui s’y rattachaient avaient été votés à l’unanimité par les deux chambres du parlement. Cependant, au milieu des témoignages de confiance qu’elles lui donnaient l’une et l’autre, Pitt fut sur le point de subir un échec dans celle des lords. En fixant en 1786 le chiffre de la dotation de l’amortissement, et en l’augmentant depuis cette époque, on n’avait eu en vue que le rachat de la dette existante; mais s’il devenait nécessaire de contracter de nouveaux emprunts, le fonds d’amortissement, opérant également sur ces derniers, perdait une partie de son efficacité. Pitt soumit donc au parlement un projet de bill ayant pour objet de décider qu’au fur et à mesure des nouvelles créations de rentes il serait remis chaque année aux commissaires de l’amortissement 1 pour 100 de leur capital pour être affecté au rachat suivant la règle établie par le bill de 1786. Chaque nouvel emprunt devait donc avoir son fonds propre d’amortissement, qui, opérant à intérêts composés, le rachèterait complètement dans une période de quarante-sept ans au plus, en supposant la rente 3 pour 100 au pair. Le bill fut adopté sans difficulté dans la chambre des communes; mais dans celle des lords il rencontra l’opposition inattendue et violente du lord chan-