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Pitt fit là pour le crédit de son pays une œuvre essentielle, dont l’efficacité ne fut pas niée pendant le temps de crise que l’Angleterre eut à traverser, et qui permit en 1813 de rayer du capital de la dette une somme rachetée de 238,231,241 livres sterling, c’est- à-dire un chiffre égal au montant total de cette dette en 1786; mais, les fonds publics s’étant relevés avec la paix, peu à peu l’utilité de l’amortissement fut mise en doute, et de plus en plus contestée. On lui reprocha d’imposer une charge trop onéreuse au trésor par le rachat à des prix très élevés de rentes émises dans les bas cours, et lord Grenville lui-même, le président du comité de 1786, devint un de ses plus ardens adversaires. En 1828, il publia un écrit dans lequel, après avoir rappelé la part active qu’il avait prise à la mise en vigueur de l’amortissement, les avantages qu’en avait retirés le pays, il en signalait les inconvéniens actuels, et en 1829 il fut décidé que désormais il ne serait affecté au rachat de la dette que l’excédant annuel des recettes sur les dépenses. Avec un crédit aussi éprouvé que celui de l’Angleterre, des conditions de stabilité comme les siennes, un parlement dont le contrôle puissant permet d’espérer toutes les économies réalisables, une rente 3 pour 100 dont le prix approche du pair, le parti pris et le système adopté en 1829 sont assurément possibles; mais la situation de tous les états n’est pas semblable à celle de l’Angleterre, et pour eux, nous ne craignons pas de le dire, le respect de l’amortissement est une condition essentielle de crédit. Si en France l’amortissement eût continué de fonctionner, l’état aurait pu racheter avec grand profit, à des prix bien inférieurs à ceux de l’émission, une partie des rentes créées avant 1848, presque sans perte une partie de celles émises depuis lors, et il est probable que son action puissante, en maintenant les cours, eût donné le moyen de faire les récens emprunts à des conditions bien meilleures.

Tout en élaborant et faisant exécuter à l’intérieur les grandes mesures dont nous venons de parler, Pitt préparait et discutait avec le cabinet de Versailles les bases du traité de commerce et de navigation qui, d’après une des clauses du traité de paix de Paris, devait, dans le délai de deux années, être passé entre la France et l’Angleterre. Ce traité fut signé par M. Eden, plénipotentiaire anglais, et M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères de France, le 26 septembre 1786, et le 15 janvier suivant une convention additionnelle supprima de nombreuses prohibitions, réduisit nombre de tarifs et détermina les conditions auxquelles divers articles pourraient être réciproquement introduits dans les deux pays. Outre les avantages incontestables que devait en retirer le commerce anglais, le revenu public devait aussi en profiter. Ainsi on faisait grand usage