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si la situation est chargée, si l’avenir est peu assuré, c’est dans le fonds inférieur qu’il doit traiter pour avoir moins d’arrérages à payer en laissant à ses préteurs, en échange des sacrifices qu’ils font sur les intérêts, de larges chances d’augmentation de capital. Ce fut au reste la loi à laquelle dut se conformer Pitt, et si dans le temps de paix il put emprunter et consolider en 5, plus tard, au milieu de la guerre, il fut obligé de le faire en 3.

Il ne suffisait pas cependant d’avoir paré aux nécessités du présent et d’avoir liquidé les charges du passé. Il fallait aussi assurer et accroître les ressources de l’avenir en faisant produire aux impôts existans tout ce qu’ils étaient susceptibles de donner et en supprimant des abus onéreux qui, par la faveur, le temps ou la négligence, s’étaient introduits au sein de l’administration. Encouragé par le succès de ses premières mesures, Pitt entreprit résolument cette double tâche, sans être arrêté ni par les difficultés de l’exécution ni par la crainte de blesser des intérêts puissans. On a dit quel préjudice causait la contrebande. Elle s’exerçait sur la plus grande échelle, et tous les efforts faits pour en arrêter le développement avaient échoué. Des capitaux considérables étaient engagés dans cette coupable et fructueuse industrie, qui trouvait des complices dans toutes les classes de la société. On évaluait à plus de quarante mille le nombre des agens qu’elle employait sur terre et sur mer. Les matelots de la marine royale désertaient pour y servir; les chaloupes côtières et les marins du cabotage étaient presque tous occupés au transport et au débarquement des marchandises qu’ils allaient prendre au large sur les bâtimens qui les apportaient des lieux de provenance ou des entrepôts. Les fermiers de la côte trouvaient plus avantageux de les transporter avec leurs chevaux que de se livrer aux travaux de culture. Les ouvriers des villes abandonnaient leurs ateliers pour participer aux profits de ce commerce illicite, et enfin les employés mêmes de la compagnie des Indes, au lieu d’envoyer en Angleterre leurs capitaux par les moyens ordinaires, les convertissaient en chargemens de thé qu’ils y faisaient introduire en contrebande par des sociétés étrangères organisées à cet effet. Il y avait donc là une perte considérable pour le trésor, un préjudice pour l’agriculture, et une cause de profonde démoralisation. Pitt crut qu’il fallait combattre un pareil fléau, non-seulement par la répression, mais aussi en détruisant dans leur source les profits qui en étaient l’aliment. Dans cette pensée, il proposa au parlement un ensemble de mesures sévères qui furent adoptées sans division. Tous les bâtimens soupçonnés de se livrer à la contrebande purent être saisis jusqu’à quatre lieues de la côte, et, en cas de culpabilité, durent être détruits, à moins qu’ils ne fussent propres au