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bonne fortune de trouver. Comprenant la grandeur de sa mission, il résolut de l’accomplir par la réforme des abus, par l’ordre et l’honnêteté dans l’administration publique, la simplification des impôts, la régularité dans la perception des revenus et le paiement des dépenses, surtout par l’acquittement scrupuleux des dettes de l’état. Il se mit donc à l’œuvre avec le sentiment des services qu’il avait à rendre, avec l’énergie d’un esprit convaincu, et cette confiance de la jeunesse qui, lorsqu’elle n’est pas de la présomption, attire les sympathies et gagne les suffrages.

Il fallut d’abord aviser au plus pressé, c’est-à-dire aux moyens de se procurer les 10 millions de livres sterling nécessaires pour solder les dépenses courantes et les engagemens échus. La banque ayant consenti à ce que le remboursement de sa créance de 2 millions de livres sterl. fût différé d’une année, Pitt espéra, au moyen de quelques reliquats, de quelques excédans de revenus au-delà des prévisions, des ressources de l’ancien fonds d’amortissement, ramener les besoins à couvrir au chiffre de 6,000,000 de livres sterling, et, pour se procurer cette somme, il eut recours à un emprunt. Jusqu’alors, la négociation des emprunts avait eu lieu à l’amiable et aux conditions débattues et arrêtées entre le chancelier de l’échiquier et les souscripteurs. C’est dans cette forme que l’année précédente lord Cavendish en avait contracté un de 12 millions de livres sterling. 7,500,000 avaient été concédés directement à onze banquiers, et 4,500, 000 liv. st. répartis entre divers capitalistes, quelques fonctionnaires et des amis particuliers du ministre. Ce mode de procéder était devenu pour le gouvernement un moyen de patronage et d’influence, et l’intérêt public était souvent sacrifié à celui du cabinet ou à des considérations privées. Pitt en avait alors vivement signalé les inconvéniens en démontrant que si, dans le dernier emprunt, la concession eût été faite avec publicité et concurrence, elle l’eût été à des conditions bien plus favorables pour l’état, reproche parfaitement fondé du reste, car la prime fut immédiatement de 8 pour 100, et la perte pour le trésor de 550,000 liv. sterl. Conséquent avec les vues qu’il avait exprimées avant son entrée au pouvoir, désireux de mettre un terme à des abus fâcheux, et croyant d’ailleurs qu’outre le mérite d’être plus sincère, le système de l’adjudication publique avait celui de mieux garantir les intérêts du trésor, Pitt résolut d’y recourir. Il fit donc annoncer que l’emprunt de 6 millions de livres sterling serait concédé sous cette forme, et, ainsi qu’il l’avait prévu, cette annonce amena une concurrence : deux compagnies s’organisèrent et déposèrent leurs propositions cachetées. L’ouverture en eut lieu devant le gouverneur de la banque; l’emprunt fut adjugé à celle qui offrit de prê-