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veste en drap corse, un bonnet phrygien sur la tête, une courge évidée et servant de gourde sur le dos, puis un sac de cuir, renfermant leurs provisions, en bandoulière. Récemment encore, la cartouchière et le fusil complétaient cet équipement. Chacun d’eux est accompagné de deux ou trois mulets portant les denrées qu’il vient offrir : ce sont des oignons, des pastèques ou quelques autres légumes, des fromages de chèvre ou de mouton (bruccio), du vin dans des outres, de l’huile dans des sacs de peau, ou même quelques bûches de bois de chauffage péniblement retenues par une corde, et qui suivent dans leurs balancemens réguliers les mouvemens paisibles de l’animal. Les femmes, souvent chargées elles-mêmes, accompagnent à pied leurs seigneurs et maîtres qui se prélassent sur leur monture; ce n’est que le soir, au retour, qu’il leur est permis de monter sur une des bêtes déchargées de leur fardeau.

Dès qu’on s’éloigne des villes, on s’aperçoit que l’agriculture de la Corse est tout à fait dans l’enfance. Le défaut de routes empêchant le transport des produits, chaque habitant ne cultive que ce qui est nécessaire à sa propre consommation, et il restreint celle-ci tant qu’il peut, puisque, ne voulant pas travailler lui-même, il est obligé de recourir à des ouvriers lucquois qu’il lui faut payer. Aussi le système de culture est-il des plus simples. Il consiste à mettre le feu au maquis, à remuer le sol avec l’ancien araire des Romains, et à semer dans les cendres de l’orge et de l’avoine. Comme les jungles de l’Inde, le maquis constitue la végétation spontanée du pays; il se compose d’arbrisseaux ligneux, tels que bruyères, lauriers, myrtes, lentisques, alaternes, cistes, etc., qui forment des fourrés impénétrables de 8 ou 10 mètres de hauteur; il fournit par la combustion une certaine quantité d’élémens fertilisans qui permettent de demander au même sol deux ou trois récoltes, sans lui donner aucun engrais. Lorsqu’il est épuisé, on abandonne une place que le maquis ne tarde pas à envahir de nouveau, et l’on recommence un peu plus loin la même opération.

L’éducation du bétail est fort négligée et repose sur la vaine pâture. La race bovine, qui, faute d’étables et de fourrages, vit en plein air et ne se nourrit que de plantes sauvages, est petite et ne produit pas de lait. Elle est d’ailleurs si peu nombreuse qu’on trouve de l’avantage à faire venir de Sardaigne les bœufs nécessaires à la consommation locale. Le mouton et la chèvre donnent plus de profits parce qu’ils se contentent de la nourriture peu substantielle qu’ils rencontrent dans les maquis et les forêts. Leur lait fournit un fromage assez estimé dans le pays, mais qui n’est pas du goût de tout le monde. Les chevaux, également très petits, robustes et sobres, ont quelque analogie avec les chevaux arabes; comme eux, ils