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Non contente d’équiper et de maintenir en bon ordre cette flotte de sauvetage, la société distribue des récompenses à tous ceux qui se sont distingués par leur noble conduite. Ces récompenses consistent en argent, en médailles et en brevets d’honneur. Après chaque expédition à la recherche des naufragés, les hommes de l’équipage du life-boat reçoivent une somme proportionnée à la nature des dangers qu’ils ont courus[1]. Les médailles sont en or ou en argent : elles portent d’un côté la figure de la reine Victoria et sur le revers l’image d’un life-boat dans lequel trois marins sont en train de retirer des eaux un naufragé. Au-dessus de cette scène gravée par William Wyon, dont les beaux arts regrettent la mort, on fit ces mots en manière d’exergue : « ne laissez point l’abîme me dévorer! » Ces médailles ne sont décernées qu’aux personnes qui ont sérieusement risqué leur vie en sauvant celle des autres. Une enquête minutieuse a lieu avant que le comité ne prenne une décision, et toutes les circonstances du sauvetage sont en quelque sorte exposées devant ses yeux. Il en résulte que ces récompenses, la médaille d’or surtout, ne se délivrent que dans des cas extraordinaires et pour des services qui excitent vraiment l’admiration. L’année dernière (1863), l’institution a distribué quinze médailles d’argent, vingt-six brevets sur vélin ou sur parchemin, 1,297 livres sterling, pour des actes de courage auxquels 714 personnes avaient dû la vie. La société ne limite point ses dons et ses honneurs aux hommes employés par elle sur les life-boats. Elle a entrepris de faire en outre ce qu’on oserait appeler l’éducation du dévouement. On apprend à devenir brave, on apprend à se risquer pour ses semblables; du moins les Anglais l’ont cru, et ils ont ouvert ainsi une sorte d’école du sacrifice. De cette manière l’institution exerce une influence sur toute la marine de la Grande-Bretagne; elle est pour quelque chose dans la délivrance de ceux-là mêmes qu’elle ne sauve point directement au moyen de ses canots. Les pêcheurs qui ont lancé leurs barques au secours des naufragés, les intrépides nageurs qui ont saisi un mourant dans les eaux courroucées, tous ceux en un mot qui ont déployé un grand courage ont droit aux distinctions et aux bonnes grâces de ce jury impartial. Aucune classe de la société ne se considère dans la Grande-Bretagne comme étant au-dessus de telles récompenses. Après l’accident de Scarborough, lord Charles Beauclerck, M. Villiam Tindall, fils d’un banquier de la ville, et M. John Iles, ayant noblement péri pour avoir

  1. Chacun d’eux reçoit 10 shillings pendant le jour et 20 shillings pendant la nuit chaque fois qu’il va en mer pour sauver la vie des personnes menacées par la tempête; mais cette somme peut être de beaucoup augmentée quand les circonstances du sauvetage présentent un caractère exceptionnel.