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Le premier coxswain remplit les fonctions de capitaine et touche un traitement fixe de 8 livres sterling par an. Les rameurs reçoivent les jours d’exercice 3 shillings si le temps est beau, 5 shillings si la mer est mauvaise, et c’est le plus souvent une rude mer qu’on choisit pour éprouver leur courage. Ce service est très recherché. L’équipage d’un life-boat est formé, comme disent les Anglais, de « différentes mains ; » on donne pourtant en général la préférence aux pêcheurs. Ces derniers sont mieux accoutumés aux périls de la mer, et ils ont risqué tant de fois leur propre vie, qu’ils ont en quelque sorte acquis le droit de sauver celle des autres.

Cependant le canot de sauvetage attendait impatient dans sa maison l’heure de s’élancer vers le rivage. Il était monté sur un chariot à quatre roues d’une forme particulière et si bien adapté à tous ses mouvemens qu’on l’eût pris volontiers pour un appareil naturel de locomotion. Ce chariot ne le quitte jamais, et c’est sur lui que le life-boat repose nuit et jour, ainsi qu’un canon sur son affût. Grâce à ce système, le bateau peut voyager aussi bien par terre que par mer, à la manière des amphibies, et quand ses services viennent à être réclamés, on est à même de le diriger vers le point de la côte le plus voisin du naufrage[1]. Le chariot du life-boat d’Exmouth fat enfin traîné vers la grève. Là, il se retourna de telle sorte que son arrière-train faisait face à la mer. Les hommes de l’équipage prirent alors leurs places dans le canot, les rameurs à côté des doubles rangs d’avirons, les deux patrons ou coxswains, l’un à la poupe, l’autre à la proue. Des chapeaux ronds et des vestes imperméables les protégeaient contre les éclaboussures des vagues. Le bateau était d’ailleurs équipé comme s’il avait eu vraiment à opérer la délivrance d’un vaisseau naufragé : il y avait à bord un grappin de fer, une ancre, une hachette, une boussole et une bouée de sauvetage. Les marins étaient en outre revêtus de corselets de liège appelés life-belts (ceintures de vie), qui soutiennent dans la mer un homme tout habillé la poitrine et les épaules au-dessus de l’eau. Ces appareils ont remplacé avec avantage les anciennes ceintures à air : il y a quelques années, à Whitby, tout l’équipage d’un canot périt, à l’exception d’un seul marin, qui avait autour du corps le nouveau talisman contre la fureur des vagues. Le long du life-boat pendaient des lignes en forme de festons : c’étaient les cordes de sauvetage extérieures auxquelles les naufragés peuvent s’attacher jusqu’à ce qu’ils soient remontés à bord. Ces festons sont disposés de telle manière que les cordes servent au besoin d’étrier. Le cha-

  1. Tout officier public ou magistrat peut réclamer les chevaux pour mettre le life-boat à la mer dès qu’il juge le cas urgent. Telle est la promptitude de la marche de ce chariot que bien souvent le canot peut être lancé cinq minutes après l’ordre donné.