Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/322

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’une femme de chambre anglaise met à habiller ou à déshabiller sa maîtresse. Le voile qui le couvrait ayant été enlevé, le life-boat apparut dans toute son élégance naturelle, vivement rehaussé de couleurs bleues et blanches avec quelques ornemens peints en rouge. Dryden a dit qu’une idée était incarnée dans chaque chose et que les objets inanimés nous inspiraient à première vue un sentiment de terreur ou de confiance selon la nature des services auxquels ils sont destinés. Un vaisseau de guerre par exemple, si beau qu’il soit, ne nous rassure que médiocrement; on devine que ses ornemens recouvrent des intentions douteuses, et devant ses canons, malgré les formes délicates que le bronze a prises entre les mains de l’artiste, on éprouve une sorte d’admiration maladive comme celle qu’exciterait la rencontre d’un magnifique serpent boa au milieu des forêts vierges. Le life-boat a au contraire un air de bienveillance ; c’est l’ami des hommes, le sauveur des naufragés. Tout respire ici une pensée généreuse, et l’on ne s’étonne point du respect que témoignent les marins à ces utiles bâtimens. Le life-boat d’Exmouth est un présent de lady Rolle, et il a coûté 350 livres sterling. Le bail du terrain sur lequel la maison du life-boat a été construite fut acheté, il y a quelques années, par un comité local. Une souscription annuelle de 30 livres et quelques autres menues ressources suffisent à l’entretien du canot. Il est confié aux soins des gardes-côtes, qui se montrent fiers de ce dépôt sacré. L’un d’entre eux voulut bien m’expliquer le système du bateau de sauvetage; c’était un ancien marin qui avait presque fait le tour du monde. Il portait encore la jaquette de laine bleue si chère à l’orgueil national des Anglais, et sur cette jaquette un large col de chemise rabattu découvrait son cou nu, qui semblait défier la brise de mer.

Le passereau ne vole point seulement parce qu’il a des ailes; le cygne ne fend point les eaux avec la légèreté d’un flocon d’écume uniquement parce qu’il a des pattes en forme de nageoires. Les naturalistes ont reconnu qu’une autre circonstance organique contribuait à expliquer le vol du passereau et la natation du cygne : c’est que l’oiseau a la faculté de s’emplir d’air et de diminuer ainsi sa gravité spécifique. J’ignore si cette loi de la nature a été présente à l’esprit des inventeurs qui ont construit les premiers canots de sauvetage anglais; mais l’analogie ne manquera guère de frapper à première vue. Ce n’est point seulement à cause de sa forme ni du nombre de ses rames que le life-boat se montre plus léger et doué d’une vitesse plus grande que les autres bateaux ordinaires : c’est parce que, comme l’oiseau, il est, pour ainsi dire, gonflé d’air atmosphérique. Cette invention est nouvelle et ne remonte point encore à un siècle. A qui appartient du reste l’honneur de la décou-