Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/256

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre et de la France la situation créée par l’agression de la Prusse et de l’Autriche, nous nous refusons à croire que la paix générale puisse être compromise. Nous prévoyons que les membres de la conférence passeront beaucoup de temps et discuteront beaucoup avant de se mettre d’accord; mais nous avons aussi des motifs sérieux d’espérer qu’on arrivera à une entente finale.

La première garantie du succès de la conférence et du maintien de la paix est l’union de la France et de l’Angleterre. Que cette union existe enfin aujourd’hui, il semble que l’on doit le supposer depuis l’excursion de lord Clarendon à Paris. On était généralement d’avis de l’autre côté de la Manche que le gouvernement anglais devait au gouvernement français quelques avances et était tenu de prendre l’initiative d’une démarche conciliatrice. Lord Clarendon entrant dans le cabinet, l’homme et le moment ne pouvaient être mieux choisis. Lord Clarendon avait été le ministre des affaires étrangères du temps de l’alliance intime des deux cours et de la guerre de Crimée. Il avait été le plénipotentiaire anglais du congrès de Paris, et y avait aidé le ministre français et M. de Cavour à poser les bases de la future question italienne. Il avait porté le petit chapeau, la veste et le ceinturon des chasses de Compiègne. Aucun visiteur anglais ne pouvait être plus agréable, et il faut noter que c’est après avoir causé avec lui que l’empereur nous a parlé des espérances de paix devenant de jour en jour plus certaines. Si, dans la conférence, la France et l’Angleterre sont réellement unies, bien que l’accord soit tardif, nous ne doutons point qu’il ne parvienne à dominer dans ce qu’elles auraient d’excessif les prétentions de la Prusse et de l’Autriche. Nous reconnaissons que les puissances allemandes et la confédération ont fait leur entrée dans la conférence d’une façon fort peu gracieuse. L’habile représentant de la diète germanique, M. de Beust, qui joue enfin un grand rôle, et qui mérite de le jouer, n’a point été exact au rendez-vous du 20 avril, et n’est arrivé que trois jours après. Les envoyés de Prusse et d’Autriche ont voulu faire à leur compatriote allemand la politesse de l’attendre, et pendant ce temps-là les Prussiens prenaient Düppel. On s’est enfin réuni, on a parlé d’armistice, et les trois Allemands, agissant comme un seul homme, ont allégué des instructions insuffisantes. La conférence est ajournée jusqu’aux réponses des cabinets germaniques. Nous ne savons pourquoi le spirituel caricaturiste du Punch a figuré la conférence sous la forme d’une porte fermée sur laquelle est écrit : « Ici l’on parle français, » et au bas de laquelle s’endort dans sa collerette le chien accroupi de Polichinelle. Jusqu’à présent, ce nous semble, ce n’est pas le français qu’on a parlé dans la conférence, mais bien l’allemand. On prétend que le formalisme tudesque, avec ses lenteurs préméditées, commence à impatienter lord Russell. Quoi qu’il en puisse être, nous ne pensons point que ces simagrées aboutissent à un éclat. Au fond, l’accord des Allemands n’est pas sérieux, et ne peut durer. Les états secon-