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de la prompte expédition des affaires, ce système est loin d’être irréprochable et d’atteindre à la perfection. Il n’est pas naturel que l’assemblée représentative n’ait d’autre occasion que la discussion de l’adresse pour faire parvenir au gouvernement ses appréciations sur la politique générale. Il n’est pas naturel qu’un corps siégeant pendant la moitié de l’année ne puisse aborder que durant un mois les questions générales, et soit ainsi contraint de les discuter toutes à la fois. Cette concentration arbitraire de la discussion n’est d’ailleurs accompagnée d’aucune sanction pratique. La discussion de l’adresse a donc tous les inconvéniens d’une œuvre artificielle; le moindre de ces inconvéniens n’est point de laisser après soi, comme tout effort stérile, au sein de l’assemblée, du public et du gouvernement lui-même, une sorte de lassitude et de langueur. Les procédés suivant lesquels les projets de loi sont présentés au corps législatif et y sont examinés ne sont point faits pour nous guérir de cette morbidezza. Il y a dans tout cela quelque chose de froid, de routinier, de machinal. Les projets arrivent escortés d’un exposé des motifs écrit par un conseiller d’état. Ce n’est pas le ministre qui a eu la conception de la loi, qui en a étudié les motifs, qui en a imaginé les combinaisons, ce n’est pas le créateur, l’inventeur, l’initiateur qui vient expliquer lui-même avec chaleur, avec vivacité, avec force, la nécessité et le mérite d’une mesure à laquelle il attache l’honneur de son nom : c’est un fondé de pouvoir qui, la plume à la main, en style formaliste, d’un esprit stérile et sec, vient rendre compte de l’œuvre d’un autre. Qu’est-ce que l’exposé des motifs rédigé par un conseiller d’état? C’est un rapport. Le projet de loi ne paraît sous la tutelle d’un rapport que pour tomber sous le contrôle d’un nouveau rapport, celui de la commission du corps législatif, autre document non moins formaliste et non moins réfrigérant. On gaspille ainsi le temps, et, ce qui n’est pas moins précieux que le temps, on gaspille aussi les forces vives du gouvernement et des assemblées. Qu’on nous délivre, au nom du ciel, des rouages inutiles, et que l’on mette directement en présence les uns des autres les responsabilités et les talens! Supprimez vos rapports et vos commissions. M. de Morny, nous aimons à le reconnaître, a plusieurs bons instincts parlementaires. Parmi ces instincts, un de ceux qui nous plaisent le mieux est son antipathie pour les discours écrits. Vos rapports ne sont pas autre chose que d’inutiles discours écrits; les meilleurs, résultant d’une rédaction concertée, feraient tout au plus de médiocres articles de revue de la plus ennuyeuse catégorie. Ils ne servent à rien ni à personne. Le ministre à qui sont réservés, dans le système actuel, le privilège et l’honneur de l’éloquence, M. Rouher, a-t-il quelque chose à apprendre dans ces encombrans résumés. Des orateurs tels que M. Thiers, M. Favre, M. Ollivier, ont-ils besoin d’aller puiser des faits ou des inspirations dans ces dissertations redondantes? Abolissons les rouages inutiles, affranchissons-nous des stériles routines, rendons en France le gouvernement représentatif expé-