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les mesures d’exécution; on peut aisément, d’après ce qui précède, prévoir ce qu’il renferme. L’exécution est confiée à un comité principal et à des commissions provinciales. Le comité sera présidé par le lieutenant de l’empereur (namiestnik). Il sera composé de membres permanens et d’autres qui pourront prendre part extraordinairement à ses délibérations; en tête figure le général grand-maître de la police, personnage très important, le premier après le namiestnik, et qui personnifie le régime de police militaire actuellement en vigueur. Le comité principal est déjà nommé, il vient d’entrer en fonction. Tous ses membres sont des fonctionnaires russes, on n’y compte pas un seul Polonais. Il y a dans chacun des ukases une quantité d’articles qui renvoient à des règlemens futurs. C’est le comité qui est chargé de les faire. Il aura ensuite à décider sur toutes les plaintes, à juger tous les différends, à surveiller les administrations rurales nouvellement organisées ; on lui confie la détermination définitive du montant de l’indemnité due aux propriétaires, ce qui met toutes les fortunes à sa discrétion. Ses décisions seront exécutées par les commissions provinciales et par les chefs militaires. Les commissions provinciales se composent d’un président, d’un adjoint et de quatre à huit commissaires. Le comité principal nommera, déplacera et destituera les uns et les autres à volonté. Pourront être nommés présidens et membres des commissions provinciales les personnes de toute condition, même les étrangers. Ce mot ne se rapporte pas aux Russes, qui ne se considèrent pas comme étrangers en Pologne, mais aux Allemands qui viendront offrir leurs services, et qui, n’ayant aucun lien avec le sol, seront plus complètement entre les mains du gouvernement.

Cette œuvre de spoliation a été, comme on voit, savamment combinée dans toutes ses parties. Quelle que soit cependant notre sympathie pour un peuple malheureux, ce n’est pas devant le tribunal des armes, mais devant un autre tribunal, dont les arrêts deviennent tous les jours plus puissans et plus sûrs, celui de l’opinion universelle, que nous voulons citer les ukases du 2 mars. Les propriétaires russes, à qui on peut être tenté d’appliquer les mêmes lois, ont les premiers un grand intérêt à y prendre garde. L’insurrection polonaise a eu cette fâcheuse conséquence, qu’elle a arrêté les mouvemens commencés en Russie vers la liberté politique; l’orgueil national, exalté jusqu’à la frénésie par la résistance obstinée d’un petit peuple, comme a dit le métropolitain de Moscou, a voulu avant tout écarter cet obstacle. Les ukases du 2 mars doivent ouvrir les yeux des plus aveugles. Jamais le grand principe ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fit n’aura été invoqué plus à propos. Nous ne pouvons croire, dans tous les cas, qu’une pareille