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coup à ces fermiers at will qui n’ont point de baux, et qui se succèdent cependant de père en fils.

Les pouvoirs de ces woyts avaient pu être abusifs dans d’autres temps, mais ils étaient devenus à peu près ceux de nos propres maires. Le woyt n’avait pas de juridiction proprement dite sur les habitans de la commune, il n’avait que la police judiciaire. Les paysans, comme tous les autres citoyens, étaient justiciables au civil, au correctionnel et au criminel des tribunaux du pays, en commençant par les juges de paix, car l’organisation judiciaire du royaume de Pologne date du duché de Varsovie et a été calquée sur la nôtre, surtout dans les degrés inférieurs. Les paysans de chaque village de la gmina choisissaient parmi eux un soltys (en allemand schultheiss), les grands villages en choisissaient un plus grand nombre. Ces soltys ou adjoints faisaient office de constables ruraux, et servaient d’intermédiaire entre le maire et les paysans.

Le propriétaire-maire qui ne voulait pas exercer ses fonctions en personne avait le droit de se choisir un remplaçant et de le présenter au gouvernement, qui l’acceptait ou le refusait suivant ses convenances, et qui pouvait le destituer. L’administration de ces délégués, assez analogues à nos anciens baillis, donnait lieu à des reproches fondés. Il était d’ailleurs bien clair que, les rapports entre les paysans et les propriétaires venant à changer, le régime de la commune rurale devait changer aussi. Il fallait faire participer les nouveaux propriétaires à la gestion des affaires communales. Il fallait réformer l’institution des woyts en l’adaptant à l’état de choses nouveau. La Société agricole avait discuté plusieurs projets de réforme, conçus dans un sens sagement libéral. Le gouvernement russe aurait pu trouver dans ses travaux, s’il l’avait voulu, les élémens d’une bonne loi organique. Il a fait tout le contraire. Il a détruit de fond en comble l’organisation existante et, à la place d’un état social séculaire, érigé l’œuvre d’un radicalisme sans précédent.

L’administration de la gmina sera composée à l’avenir de l’assemblée générale, d’un maire ou woyt d’un adjoint ou soltys et d’un tribunal. L’assemblée générale sera formée de tous les habitans majeurs possédant au moins trois morgens de terre; mais l’ukase en exclut formellement les juges de paix, c’est-à-dire les propriétaires nommés par le gouvernement à ces fonctions gratuites, ainsi que les curés et desservans. Un autre article exclut en outre toutes les personnes placées sous la surveillance de la police. Or il faut savoir qu’en Pologne la surveillance de la police n’est pas, comme en France, la conséquence d’une condamnation judiciaire, mais une mesure purement administrative, prise arbitrairement. On peut se trouver sous la surveillance de la police sans même s’en