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la cour de Hué un traité sans indemnité pécuniaire, sans cession de territoire, mais stipulant la liberté pour nos missionnaires d’enseigner leur religion à des conditions qui ne troubleraient pas l’administration annamite, stipulant aussi la résidence de consuls français dans trois ports de la Cochinchine et l’envoi tous les trois ans à Hué d’un chargé d’affaires de France.

Une négociation s’entama sur ces bases; mais le plénipotentiaire de Tu-duc ne s’étudia qu’à soulever toute sorte de difficultés pour ne pas signer un traité qui devait le compromettre aux yeux de son gouvernement, tant il le savait convaincu que nous serions trop heureux de reprendre la mer sans coup férir. Cette situation équivoque se prolongeait quand la paix avec la Chine permit à l’amiral Charner, qui commandait nos forces navales, d’en ramener une partie en Cochinchine. Il recommença les hostilités, débloqua Saigon, s’empara de la province entière de Gia-dinh, dont cette ville est la capitale, et, peu de temps après, de la province de Mitho. Alors un second essai de négociation eut lieu, mais sans plus de succès que le premier, et l’amiral Bonard, qui vint prendre le commandement, continuant la guerre, poussa notre conquête, et l’étendit à une troisième province, celle de Bien-hoa. « Par la force des événemens, dit un rapport officiel, le but qu’on s’était proposé se trouvait donc singulièrement dépassé, et nous devenions des conquérans là où nous étions allés dans le principe pour redresser simplement des griefs. »

Ces coups répétés ébranlèrent enfin le roi Tu-duc : il se décide à demander la paix. L’amiral Bonard saisit cette occasion attendue depuis si longtemps; mais, défiant encore, il envoie à Hué le bateau à vapeur le Forbin pour s’assurer que les dispositions du gouvernement annamite sont sérieuses, ou sinon pour intercepter les arrivages de riz dans la capitale. Sommé de s’expliquer, le roi reconnaît qu’il n’est plus possible de continuer le jeu des précédentes négociations, et charge son ministre des rites et son ministre des armes d’aller à Saigon, où le 5 juin 1862 ils signent un traité avec le représentant de l’empereur des Français. Il convient de rappeler les principales dispositions de ce traité :


« Les sujets des deux nations de France et d’Espagne pourront exercer le culte chrétien dans le royaume d’Annam, et les sujets de ce royaume, sans distinction, qui désireront embrasser la religion chrétienne, le pourront librement et sans contrainte; mais on ne forcera pas à se faire chrétiens ceux qui n’en auront pas le désir.

« Les trois provinces complètes de Bien-hoa, de Gia-dinh et de Dinh-tuong (Mitho), ainsi que l’île de Poulo-condor, sont entièrement cédées en toute souveraineté à l’empereur des Français.

« En outre les commerçans français pourront librement commercer et