Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de plusieurs personnages considérables, tels que le révérend Bellows et le docteur Foster Jenkins, et les chargèrent de s’entendre avec le gouvernement au sujet de la répartition des dons patriotiques. La députation, entrant immédiatement en rapport avec les autorités militaires et les divers comités de secours organisés sur tous les points de la république, put facilement se rendre compte à la fois des besoins de l’armée et de l’importance des offres généreuses du peuple. Devenue ainsi par la force des choses la véritable délégation des patriotes américains, elle donna graduellement une plus grande extension à ses projets de réforme, et réclama du gouvernement l’autorisation de se constituer en commission sanitaire permanente. Appuyés par le chirurgien-major de l’armée, qui ne pouvait suffire à son énorme besogne, les pétitionnaires offraient de faire eux-mêmes des recherches théoriques et pratiques au sujet de toutes les questions relatives à la santé, au comfort et à la police matérielle des troupes, ils proposaient aux chefs militaires de les aider dans l’organisation du commissariat et du service hospitalier; en un mot, ils demandaient à devenir les inspecteurs officieux de l’armée, et cela sans perdre leur caractère d’agens libres, responsables seulement envers le peuple américain.

Certes il y avait beaucoup à faire. Le nouveau gouvernement héritait d’un cabinet dont les principaux membres avaient pris à tâche de désorganiser l’administration fédérale ; il devait, sous peine d’effroyables désastres, renouveler, créer pour ainsi dire, tous les services de l’état. Il n’existait qu’un petit nombre de chirurgiens militaires attachés à quelques milliers d’hommes épars dans la Californie, dans l’Orégon, sur les confins du Mexique. Il n’y avait pas même d’hôpitaux; les régimens qui se formaient à la hâte pour courir à la défense de la capitale ne possédaient ni ambulances, ni le matériel indispensable au soin des malades et des blessés. Il est vrai qu’avec de l’argent l’administration militaire pouvait construire des hôpitaux, acheter de la charpie, des cordiaux et des remèdes; mais il lui était impossible d’improviser un corps médical assez nombreux pour les armées considérables qu’elle mettait en campagne. L’expérience nécessaire lui faisait d’ailleurs également défaut. Les opérations actives se trouvaient ainsi retardées jusqu’à une époque indéfinie, car il eût été vraiment criminel d’envoyer des troupes du nord dans les régions chaudes et marécageuses du sud sans avoir organisé le service sanitaire de la manière la plus conforme aux exigences de la science moderne. A peine enrôlés, les régimens étaient décimés par la maladie; l’un d’eux perdit 20 pour 100 de son effectif avant de voir les séparatistes, et 35 pour 100 avant d’avoir tiré un seul coup de fusil. Le chaos était complet lorsque les médecins