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trouvé une cinquantaine d’inscriptions nouvelles ; mais sa généreuse passion lui coûta la vie : c’est sur les ruines mêmes de Delphes qu’il prit le germe du mal qui l’enleva si prématurément à la science. Après sa mort, les fouilles étaient restées interrompues pendant plus de vingt ans, lorsqu’un membre de l’école d’Athènes, M. Foucart, eut la pensée de les reprendre, et comme il vit, dès le premier coup de pioche, que la moisson serait abondante, il appela à son aide son camarade, M. Wescher, déjà connu par ses travaux épigraphiques. Le résultat de leurs recherches fut la découverte de quatre cent quatre-vingts inscriptions qu’ils viennent de donner au public[1]. Elles présentent toutes quelque intérêt : on n’inscrivait sur les murs d’un temple que des choses dont il importait de garder le souvenir. Les unes nous font mieux connaître ces corporations de comédiens dont les membres, sous le nom d’artistes dionysiaques, allaient de ville en ville et de fête en fête donner des représentations au nom de Bacchus et sous la présidence de l’un d’entre eux qu’ils avaient élu ; en même temps, par l’énumération des exercices qu’elles mentionnent, elles nous donnent des renseignemens précieux sur l’état du théâtre grec au IIIe siècle avant Jésus-Christ. D’autres, en plus grand nombre, nous font mieux apprécier l’importance du sanctuaire de Delphes, dont la réputation s’étendait jusqu’aux pays les plus barbares. De toutes parts on venait consulter l’oracle, et l’on souhaitait être mis au rang des proxènes ou hôtes de la ville sacrée. MM. Wescher et Foucart ont retrouvé une liste de ces proxènes avec la mention de leur patrie. Il y en a véritablement de tous les coins du monde, depuis le fond du Pont-Euxin jusqu’à l’Egypte et à la Gaule. On y trouve aussi les noms de plusieurs Romains, et parmi eux celui du célèbre Quinctius Flamininus, le vainqueur de Philippe, qui, en proclamant aux jeux isthmiques la liberté de la Grèce, lui donna la dernière grande joie qu’elle ait éprouvée ; mais la série la plus importante et la plus nouvelle comme aussi la plus nombreuse de ces inscriptions est celle qui contient les actes d’affranchissement sous forme de vente à une divinité. Cette manière d’affranchir les esclaves n’était sans doute pas tout à fait ignorée, mais on n’en connaissait encore ni les lois ni les conditions. Aujourd’hui toute obscurité a cessé, et l’on peut, avec les inscriptions de Delphes, ajouter un chapitre curieux et nouveau à l’histoire de l’esclavage antique.

C’est ce qu’a fait l’un des auteurs de la découverte, M. Foucart. Il a entrepris, dans un savant mémoire, d’interpréter tous ces do-

  1. Inscriptions recueillies à Delphes par C. Wescher et P. Foucart. Paris, Didot, 1863.