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trevu Homère et Virgile à travers une lecture rapide; ce n’est rien pour un professeur. Il faut qu’il les connaisse à fond et par le détail, qu’il les ait pénétrés et épuisés, et qu’il n’y laisse aucune expression dont il ne puisse rendre compte. S’il est véritablement possédé de ce besoin de connaissances précises, on peut affirmer qu’il sera tôt ou tard entraîné à faire quelques études philologiques pour restituer son texte dans sa pureté, et que pour savoir la signification exacte des mots il voudra connaître l’organisation et les habitudes des sociétés antiques, c’est-à-dire qu’il ne pourra pas rester tout à fait étranger à l’archéologie. Son enseignement y gagnera sans qu’il ait besoin de faire parade de son savoir. Les élèves s’aperçoivent bien, dans les explications qu’on donne, si l’on reste à la surface du sujet ou si on le possède à fond, et ils ont bien plus confiance dans la science solide qui aborde résolument une difficulté que dans le bavardage agréable qui essaie de la tourner avec grâce. Le discrédit de l’érudition signale partout l’affaiblissement des études classiques. C’est abandonner l’antiquité que de se contenter de la connaître à peu près et seulement par ses côtés littéraires. Les sociétés et les littératures anciennes ne redeviennent vivantes pour nous que lorsqu’on descend au détail, et cette prétendue critique qui s’amuse à discuter à propos des auteurs, qui, après un examen superficiel, fabrique des théories, qui recherche partout les idées générales afin de se dispenser d’avoir des idées précises, est la mort des véritables études.

C’est pour cela que nous voyons avec tant de plaisir que, depuis quelques années, le goût de l’érudition, au moins sous quelques-unes de ses formes les plus appropriées à notre génie national, semble vouloir se ranimer chez nous. Le mouvement qui, dans toute l’Europe, entraîne les esprits du côté des questions scientifiques s’est communiqué aussi à la France. L’importance de ces questions commence à y être mieux appréciée, et l’on n’est plus pour elles aussi dédaigneux qu’autrefois. La philologie est encore beaucoup trop négligée; mais l’archéologie au moins a repris quelque faveur. Si la France n’a pas vu naître, comme l’Allemagne et l’Italie, quelques-uns de ces grands ouvrages que j’analysais tout à l’heure, elle a cependant produit des travaux intéressans, et dont le résultat mérite d’être mis sous les yeux du public. Il convient de lui faire connaître ces hommes courageux qui savent résister aux séductions de la popularité, qui renoncent aux succès bruyans, qui se résignent d’eux-mêmes à l’obscurité, et que les austérités de la science et la solitude dans laquelle on laisse ceux qui la cultivent ne rebutent pas.

C’est d’abord à l’Académie des Inscriptions qu’il faut faire honneur de ce retour aux études sérieuses d’érudition. Elle n’a jamais