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d’autres renseignemens, la façon dont elle est écrite, le style et le langage qui y sont employés pourront fournir de précieux indices. Les plus anciennes sont aussi les plus simples. Cachées dans les catacombes, elles n’étaient pas faites pour la vanité. On y écrivait tout juste ce qui suffisait aux parens pour reconnaître la tombe où ils voulaient venir prier. Elles ne contenaient guère que le nom du mort, point de titre officiel, rarement la mention de son âge et du jour de sa sépulture[1], quelques symboles que devaient seuls comprendre les initiés, le poisson, la branche de laurier, la colombe, signes d’une religion persécutée et qui se cache, et de temps en temps quelques paroles touchantes et courtes : « Vivez en paix, avec le Christ, avec les saints ! — Que Dieu vous donne le rafraîchissement ! — Priez pour nous, pour votre femme, pour vos enfans, etc. » Avec le triomphe de l’église, le style change, l’épitaphe prend un ton plus fier; on a souci des intérêts du siècle, les rangs se marquent parmi les morts. Aux noms se joignent les titres, exactement transcrits, comme sur un acte public. Le monogramme de l’empereur remplace le poisson et la colombe. On mentionne avec soin la durée de la vie et d’autres choses mondaines dont les premiers chrétiens se souciaient peu. On y joint même, ce qui les aurait fort scandalisés, des éloges pour le défunt; sans souci de l’humilité chrétienne, il y est quelquefois qualifié d’homme très innocent et très sage, mirœ innocentiœ, mirœ sapientiœ. Voilà bien le ton d’une église officielle et victorieuse, qui est en train de se gâter par sa victoire même !

C’est en tenant compte de toutes ces différences que M. de Rossi espère parvenir à fixer l’âge de toutes les inscriptions chrétiennes; mais, avant d’entrer dans la partie conjecturale de son sujet et de s’occuper de celles dont l’époque n’est pas connue, il a voulu d’abord publier les autres, qui, comme il le dit lui-même, doivent servir de point de départ à toutes ses recherches et de contrôle à tous ses résultats. Le volume qu’il vient de donner au public contient donc toutes les inscriptions chrétiennes qui sont datées. Ce ne sont pas toujours les plus curieuses. Beaucoup d’entre elles ne présentent d’autre intérêt que leur date même, c’est-à-dire les noms des consuls qu’elles portent. Grâce à elles, on peut établir une liste plus complète de ces magistrats jusqu’au VIIe siècle. Ce n’est pas un petit service quand on songe que ces noms des consuls servaient partout à désigner l’année, et que, dans l’empire romain, c’est-à-dire dans tout le monde civilisé, ils étaient placés en tête de toutes

  1. Suivant M. de Rossi, ce n’est qu’à partir du IIIe siècle que la mention du jour de la mort devient fréquente sur les sépultures chrétiennes. Dès lors cette mention sert à les distinguer des tombes des païens.