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pour sa réputation. Autour de lui se sont groupés tous ceux qui en Europe s’occupent avec succès des mêmes études; ils sont tous les élèves et les continuateurs de Borghesi, tous ont eu recours à son obligeance. Réunis dans une pieuse collaboration, ils essaient aujourd’hui de lui rendre les services qu’ils en ont reçus, en revoyant ses ouvrages pour corriger les erreurs qui peuvent s’y trouver, ou les mettre au courant des découvertes nouvelles de la science. Grâce à leur activité et à leur dévouement, on a pu donner au public les œuvres numismatiques du savant italien. Le grand ouvrage des Fastes est sous presse, ainsi que les mémoires épigraphiques. Il convient d’attendre qu’ils aient paru pour revenir sur les travaux de Borghesi, pour essayer de mieux marquer la place qu’il tient dans l’érudition de notre temps, et, à l’aide de la biographie que M. Noël Desvergers, qui fut si longtemps son ami, se propose d’écrire, faire mieux connaître cette figure originale dont nous n’avons pu aujourd’hui esquisser que quelques traits.

Après les travaux de Borghesi, il restait un grand ouvrage à entreprendre. On savait, grâce à lui, que l’histoire avait beaucoup de profit à tirer des inscriptions; mais, pour qu’elle pût s’en servir, il fallait lui éviter la peine d’aller les chercher trop loin. La collection qu’en avait faite Gruter à la fin du XVIe siècle était regardée depuis longtemps comme insuffisante. Le nombre des inscriptions découvertes a plus que doublé depuis cette époque, et dans celles que Gruter avait publiées une critique plus sûre a fait voir d’innombrables erreurs. Le travail était donc à refaire; mais qui pouvait avoir le courage de l’entreprendre? La tâche était trop lourde pour un seul homme, et il fallait, pour en venir à bout, les efforts réunis de plusieurs personnes. L’académie de Berlin, qui venait d’achever la collection des inscriptions grecques, se chargea du même travail pour les inscriptions latines. Malheureusement, si une réunion de savans est nécessaire pour tenter des entreprises pareilles, elle présente aussi quelques inconvéniens. Entre des gens qui ont chacun leur système et leur méthode, et qui sont habitués à les défendre avec obstination, l’accord n’est pas toujours facile. Ici la discorde éclata parmi les collaborateurs avant même qu’ils se fussent mis à l’œuvre. Ils ne parvinrent pas à s’entendre sur la première de toutes les questions, c’est-à-dire sur la manière de classer les inscriptions dans le nouveau recueil. Ce ne fut qu’après une discussion de plusieurs années que l’opinion de M. Mommsen, qui voulait qu’on les distribuât par provinces, finit par l’emporter, et que l’ouvrage enfin commença[1].

C’étaient les savans les plus renommés de l’Allemagne qui s’en

  1. M. Saint-René Taillandier a déjà entretenu le public de cette discussion. — Voyez la Revue du 1er août 1856.