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des méthodes et renouvelé une science. Depuis le XVe siècle, on s’était beaucoup occupé de recueillir et d’expliquer les inscriptions latines, mais on l’avait fait généralement sans système. La routine suffisait pour se tirer des plus simples ; quant aux plus difficiles, on arrivait quelquefois à les interpréter par d’heureux hasards ou des efforts de sagacité, mais rarement au moyen de règles certaines. Lorsqu’on marche à l’aventure, il est naturel qu’on n’avance guère. Aussi, après trois siècles de travail, de Scaliger jusqu’à Hagenbuch, la science était-elle à peu près restée stationnaire. On n’expliquait pas mieux les inscriptions qu’au premier jour, et l’on ne s’en servait pas davantage. Dans les jugemens qu’on portait sur leur authenticité, mêmes incertitudes ; on passait sans transition de la plus naïve crédulité aux défiances les plus exagérées : tandis que Gruter ajoute foi aux supercheries les plus visibles, Maffei élève sans cesse des doutes, quand il n’y a aucune raison de douter. C’est Borghesi qui a porté le premier la critique dans ces études, c’est lui qui a fait de l’épigraphie, qui ne semblait destinée qu’à fournir quelques lumières aux archéologues et aux commentateurs embarrassés, une science à part, qui a ses principes, ses lois et son existence propre. Pour qu’on puisse mieux comprendre la nature des services qu’il a rendus, je demande la permission d’entrer dans quelques détails techniques. On sait qu’une des principales difficultés qu’on rencontre, lorsqu’on étudie les inscriptions, est d’expliquer d’une façon satisfaisante les abréviations ou sigles qui s’y trouvent. Ce qui cause l’embarras, c’est qu’un même sigle peut signifier quelquefois différentes choses. Par exemple, ces deux lettres PR. peuvent se traduire, selon les circonstances, par proconsul, prœtor, prœfectus ou procurator. Comment choisir entre des significations si diverses ? En général on était fort embarrassé, et le plus souvent on finissait par se décider au hasard. Cependant il y avait un moyen assez simple d’arriver à fixer le sens de ces sigles d’une façon presque indubitable. Nous possédons un assez grand nombre de ces inscriptions qu’on appelle des cursus honorum, dans lesquelles sont énumérées toutes les fonctions occupées par un grand personnage. L’importance n’en avait échappé à personne ; mais il y avait un genre de services qu’on n’avait pas songé à tirer d’elles. Borghesi, en les étudiant, se demanda tout d’abord s’il était possible que toutes ces dignités qu’elles contiennent y fussent placées au hasard. Se poser cette question, c’est la résoudre quand on connaît les Romains. Un peuple qui avait des habitudes si régulières, un génie aussi administratif pour ainsi dire, n’aurait jamais souffert des irrégularités de ce genre sur des monumens destinés à des personnages politiques et dans des listes presque officielles. C’est donc dans l’ordre même où elles ont été remplies que les fonctions y sont énumérées. Dès lors ces