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caractère des renseignemens qu’il faut demander à l’épigraphie, et l’on voit bien que, comme je le disais tout à l’heure, ils sont tout à fait appropriés aux besoins et aux préférences de notre époque. Aujourd’hui qu’on étudie les questions par leurs côtés scientifiques, les statistiques sont en faveur. Les sciences économiques en font un fréquent usage, et l’histoire essaie d’en retrouver les élémens épars dans les monumens du passé. Or c’est précisément la statistique administrative de l’ancien monde que l’épigraphie promet de dresser pour nous.

Notre temps a l’honneur d’avoir compris le premier tous les services que l’on peut tirer de l’épigraphie pour l’histoire, et celui qui le lui a fait comprendre, c’est Borghesi. Aussi est-ce par lui que, dans cet examen des derniers ouvrages épigraphiques, il me semble juste de commencer.

Lorsqu’on 1860 Borghesi mourut sur le rocher de Saint-Marin, où il s’était retiré depuis quarante ans pour y trouver l’indépendance, on ne pouvait certes pas dire qu’il fût mort tout entier. Sa méthode lui survivait; son esprit animait encore ces études dont il s’était occupé toute sa vie; ses élèves continuaient son œuvre. Cependant il ne laissait aucun ouvrage important auquel son nom restât attaché. L’intérêt de la science l’avait toujours beaucoup plus touché que celui de sa renommée. Depuis 1792, où, à l’âge de onze ans, il avait publié son premier mémoire archéologique, il avait donné des articles à tous les recueils de l’Italie, entretenu une immense correspondance avec tous les savans du monde, et distribué libéralement tous les trésors de son érudition et de son expérience, car il ne refusait ses conseils à personne, et toutes les fois qu’on lui demandait un renseignement, il répondait par une dissertation. Parmi ces soins qu’il se donnait pour tout le monde, il n’avait oublié que de songer à lui-même. Son grand ouvrage sur les Fastes consulaires était achevé ; mais il n’avait pu consentir à s’en séparer, et il le gardait pour le corriger encore. Ses autres mémoires de numismatique et d’épigraphie étaient disséminés, enfouis et perdus dans des journaux introuvables. On a donc pu dire avec raison qu’à sa mort son œuvre était partout et qu’elle n’était nulle part.

Cette œuvre cependant méritait d’être recueillie. Indépendamment du profit qu’on pouvait trouver à relire encore ces savans mémoires, il importait qu’on sût quels chemins avait suivis cet esprit inventeur, et qu’en ayant sous la main l’ensemble de ses ouvrages, on pût mieux saisir l’originalité de sa figure et le caractère de sa réforme, car il n’était pas un de ces savans ordinaires qui se contentent d’aller un peu plus loin dans la voie que d’autres ont ouverte : il a fait plus qu’éclairer quelques points de détail, il a créé