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curieuses ne lui aient semblé autrefois que de vaines et stériles subtilités ; mais il a bien vite reconnu le lien immédiat et sensible qui les unit aux applications ; il a vu en elles la source d’une lumière supérieure et pure qui éclaire les principes de la physique sans en corrompre la simplicité. Il a demandé des conseils et des inspirations aux beaux travaux de Poinsot : le commerce de ce grand esprit a élargi les vues et grandi le cercle de ses méditations. Son goût très prononcé pour la logique naturelle subsiste toujours, mais il n’est plus exclusif : les procédés de pure intuition ne pouvaient suffire longtemps à un inventeur aussi actif et aussi bien doué. Il a compris que toutes les vérités s’éclairent mutuellement sans se gêner jamais, et que, comme l’a dit Fontenelle, « il est plus aisé d’apprendre les mathématiques que d’aller loin sans leur secours. » Nul peut-être ne saurait dire avec plus de précision jusqu’où peuvent conduire les chemins courts et faciles qu’il affectionne et comment les principes sûrs et infaillibles de la théorie éclairent un esprit bien fait, en lui servant de guide et de flambeau. Sans eux, le génie le plus heureux, conduit seulement par sa pénétration et par la logique naturelle, demeure suspendu dans une incertitude continuelle et trouve rapidement des bornes étroites auxquelles M. Foucault s’est heurté autrefois, mais qu’il a franchies depuis longtemps. On lui a reproché de manquer de rigueur, et sans rigueur, nul ne le conteste, il n’y a plus de géométrie ; c’est là une fausse accusation. M. Foucault, on ne doit pas l’oublier, ne professe pas ; il ignore l’art de présenter ses inventions selon les formes de l’école ; il persuade contre les règles, et ne sait pas réduire démonstrativement ses contradicteurs au silence. Cependant, à prendre ses expressions dans la juste étendue de leur sens véritable, toutes ses assertions sont exactes dans les termes mêmes où il les énonce : il sait toutes les routes de la science du mouvement, il a pénétré au fond de ses théories les plus abstraites, et pour l’embrasser tout entière, il ne lui manque que la manière de savoir. La langue algébrique lui est peu familière, il la comprend, mais ne la parle pas, et ne sait trop que répondre quand on lui montre ses vérités nouvelles préexistant dans de vieilles formules, et découvertes une seconde fois, comme le disait Poinsot, par la méthode qu’on lui dit être la bonne et la véritable. C’est pour cela que, sans être plus modeste qu’il ne faut, il a, je crois, besoin qu’on lui répète très haut et très publiquement qu’il est dans une voie excellente et irréprochable, et qu’il serait bien fâcheux qu’il en changeât. Ses travaux n’empruntent rien aux découvertes récentes de la science analytique ; la savante simplicité de ses méthodes aurait été accessible il y a deux cents ans : c’est là son originalité à notre époque et la