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doivent aboutir à un arrangement, le Danemark est plus pressé que l’Allemagne d’obtenir les garanties d’une pacification véritable et définitive. Il est aisé de comprendre que précisément parce qu’une paix prompte et la moins désavantageuse possible lui est nécessaire, le Danemark ne doit pas vouloir que les effets de la trêve soient tous contre lui et tous au profit de l’Allemagne. La suspension d’armes conclue au commencement du mois dernier n’a pas réglé les choses avec égalité entre les Danois et les puissances allemandes. Avec cette trêve, les Allemands gardaient tout ce qu’ils avaient occupé ; ils avaient le Jutland, ils s’arrêtaient lorsqu’ils n’avaient plus rien à conquérir. Les Danois au contraire s’arrêtaient lorsqu’ils n’avaient plus rien à perdre, et en cessant le blocus des ports germaniques renonçaient à exercer sur l’Allemagne la pression la plus sensible qu’ils eussent pu lui faire éprouver. En ne faisant point de l’évacuation du Jutland la condition absolue de la cessation du blocus, les Danois, lors de la conclusion du premier armistice, ont donné aux puissances neutres une preuve remarquable de docilité et de déférence. On s’est retrouvé en présence de cette inégalité de situation quand il a été question de prolonger l’armistice. Les puissances allemandes auraient désiré une prolongation de deux ou trois mois. Leur intérêt était fort simple. À la faveur de l’armistice, elles auraient pu faire traîner la négociation tout à leur aise et sans inquiétude du côté de la mer. Si à la fin on n’était point parvenu à s’entendre, on aurait du moins gagné les approches de l’automne ; la campagne commerciale du nord de l’Allemagne se fût achevée en pleine liberté et sans obstacle ; on aurait repris les hostilités sur terre dans la saison où sur mer le Danemark ne peut plus être redoutable ou même gênant. C’est au travers de ce calcul que s’est placé le gouvernement danois en ne consentant qu’à une prolongation de trêve de quinze jours. L’argumentation danoise est loyale et juste. Le Danemark s’étant rallié à la proposition des puissances neutres, le débat entre l’Allemagne et lui ne peut plus porter que sur une question de frontières. Si l’on est sincère, si l’on veut réellement mettre fin à la lutte, si l’on n’entend point éterniser une de ces contestations à la fois subtiles et opiniâtres auxquelles nos spirituels aïeux avaient si bien donné le nom de querelles d’Allemands, on a tout à fait le temps en quinze jours de se mettre d’accord sur le principe d’une délimitation de frontières. Le Danemark ne demande pas mieux que de s’entendre sur la base de transaction proposée par les puissances neutres ; mais, si la négociation vient à échouer contre l’obstination des puissances allemandes, il veut au moins avoir encore le temps de profiter de ses avantages maritimes.

Nous sommes donc arrivés au défilé le plus critique de la négociation qui se poursuit au sein de la conférence de Londres. La discussion est engagée sur le fond des choses. Déclarant le traité de 1852 aboli, la Prusse, l’Autriche et la confédération germanique ont mis en avant leur combinaison dans la séance du 28 mai : elles veulent que les deux duchés soient séparés de la monarchie danoise et placés sous la souveraineté du duc d’Au-