Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/1014

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Décidément la monarchie constitutionnelle et parlementaire avait des entrailles pour le peuple.

Où pouvons-nous trouver un témoignage plus éclatant de la sympathie du gouvernement de 1830 pour les populations vouées au travail que dans les actes répétés par lesquels il faisait pénétrer partout les bienfaits de l’instruction populaire ?

Assurément l’hommage dû à ces actes ou plutôt à cet acte continu de dix-huit années ne saurait faire oublier les efforts tentés à diverses époques par la restauration en faveur de l’instruction primaire, pas plus qu’il ne saurait enlever la moindre partie de leur mérite aux mesures par lesquelles le gouvernement impérial s’occupe aujourd’hui avec tant de zèle de compléter l’œuvre de la loi du 28 juin 1833 ; mais le suffrage unanime de tous les esprits impartiaux attestera que cette loi, qui suffirait à elle seule pour honorer un règne et pour illustrer le ministre qui y a attaché son nom[1], a été le principe de vie de l’instruction populaire en France, et qu’après lui avoir donné une admirable organisation, elle a laissé derrière elle d’immenses progrès accomplis et le germe de tous ceux de l’avenir.

Avant 1830, le programme de l’instruction primaire se réduisait à trois mots : lire, écrire et chiffrer ; ce sont les termes mêmes du décret du 17 mars 1808. La restauration, qui fit, ainsi que nous l’avons dit, d’honorables efforts pour propager cet enseignement, n’en fit aucun pour en élever le niveau. Le premier soin du législateur de 1833 fut de rendre obligatoire dans les écoles élémentaires l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les élémens de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures. C’était déjà un progrès. Cependant, à côté de ce premier degré, le législateur créa l’instruction primaire supérieure pour tous les jeunes gens qui voulaient demander à l’étude les moyens de s’élever plus haut.

Voulaient-ils se livrer à l’exercice des professions industrielles ou se vouer exclusivement aux travaux de l’agriculture, ils devaient trouver à leur portée des écoles dont l’enseignement comprenait dans des mesures diverses les applications usuelles des élémens de la géométrie, des notions des sciences physiques et naturelles applicables aux usages de la vie ou destinées à expliquer les principaux phénomènes de la nature, le dessin linéaire, l’arpentage, la représentation des machines les plus simples, et enfin le chant, cette noble et bienfaisante distraction.

Ces efforts n’ont pas toujours été aussi efficaces qu’ils auraient dû l’être : en cette matière, le gouvernement avait devancé le vœu des populations ; aussi les a-t-il souvent trouvées indifférentes et quelquefois contraires à la propagation d’un enseignement d’une utilité si pratique qu’elle devait paraître évidente. Cependant l’administration ne se découragea point ; elle excita le zèle des administrations municipales, leur proposa des programmes

  1. M. Guizot.