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« En 1817, je renouvelai mes instances avec plus de succès, et le maréchal de Gouvion Saint-Cyr, après avoir rendu une armée à la France, aurait sans doute créé la défense de Paris, si son ministère n’eût été de si courte durée.

« Depuis, j’en ai parlé en vain jusqu’en 1830.

« Aujourd’hui que je suis devenu par la royauté le premier défenseur de l’indépendance nationale, je fais appel à tous les citoyens de bonne volonté pour m’aider à lui donner cette garantie puissante. »

Cependant des querelles de systèmes et des défiances absurdes s’opposèrent à la solution immédiate d’une question qui voyait s’élever contre elle, comme une objection redoutable, sa grandeur même et son immense portée. Il fallut qu’un danger national, il fallut que des circonstances exceptionnelles vinssent en aide à la persévérance et aux convictions de la vie entière de Louis-Philippe pour faire triompher enfin son opinion et doter Paris d’une force défensive qui change, au profit de la France, toutes les conditions d’une agression contre son indépendance.

Une pensée commune de pur patriotisme avait triomphé de toutes les incertitudes, de toutes les dissidences. Le gouvernement et les chambres décidèrent d’une seule voix que Paris serait fortifié. C’était effacer la distance qui séparait, à la date funeste du 30 mars 1814, l’avant-garde d’Essonne de la barrière de Clichy ; c’était reculer pour ainsi dire les frontières de la France, sans qu’il en coûtât rien à la paix du monde. N’eût-il légué à la France que ce bienfait au milieu de tant d’autres, le règne de Louis-Philippe serait honoré dans l’histoire et rappelé avec respect sous les successeurs de Napoléon.

C’est en 1840, à une époque où la France avait dû s’isoler dans sa force et dans sa dignité, que ce grand acte a été résolu[1]. Un petit nombre d’années ont suffi pour accomplir ces immenses travaux, exécutés sous la direction supérieure de l’illustre général Dode de La Brunerie, qui gagna son bâton de maréchal sur ce champ de bataille du patriotisme et de la science. Les généraux Vaillant et Noiret, secondés par cent officiers appartenant à ce corps du génie que toutes les nations nous envient, élevèrent, sous son commandement, ce monument impérissable de ce que peut l’acord des volontés dans un gouvernement libre. La dépense prévue était de 140 millions ; elle ne fut pas dépassée : admirable précision dans l’exécution d’un admirable travail !

Dans le même temps, Lyon devenait, comme Paris, une des premières

  1. On ne saurait parler des fortifications de Paris sans rappeler tout ce que la France et le roi ont dû dans cette grande circonstance à la haute intervention de M. le duc d’Orléans, secondé par son aide-de-camp, le commandant de Chabaud-Latour, rédacteur des premiers projets, et à l’énergie patriotique de M. Thiers, alors président du conseil. Parmi les noms des officiers du génie qui ont concouru avec le plus de distinction à l’exécution des fortifications de Paris, on remarque celui du chef de bataillon Niel, qui préludait ainsi à la glorieuse destinée qui l’attendait sur le champ de bataille de Solferino.