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su se défendre elle-même des tentatives des pertubateurs, ne réussissait pas désormais à déjouer également les machinations auxquelles ils se livrent sur son territoire contre les états étrangers, il pourrait en résulter pour quelques-uns de ces états des troubles intérieurs qui les mettraient dans l’obligation de réclamer l’appui de leurs alliés, que cet appui ne leur serait pas refusé, et que toute tentative pour s’y opposer serait envisagée par les trois cabinets de Vienne, de Saint-Pétersbourg et de Berlin comme une hostilité dirigée contre chacun d’eux. »

La réponse du gouvernement français ne se fît pas attendre. Après avoir pris les ordres du roi, M. le duc de Broglie répondit en ces termes que j’emprunte à sa correspondance diplomatique :

« J’ai cru que ma réponse aux trois envoyés devait être conforme à la couleur que chacun d’eux avait donnée à sa communication. De même que j’avais parlé à M. de Hügel un langage raide et haut, je me suis montré bienveillant et amical à l’égard de la Prusse, un peu dédaigneux envers le cabinet de Saint-Pétersbourg. Ce qui a dû clairement ressortir de mes paroles pour mes trois interlocuteurs, c’est que nous sommes décidés à ne tolérer l’expression d’aucun doute injurieux sur nos intentions, que les insinuations et les reproches seraient également impuissans à nous faire dévier d’une ligne de conduite avouée par la politique et la loyauté, et qu’en dépit de menaces plus ou moins déguisées nous ferons en toute occurence ce que nous croirons conforme à nos intérêts. »

M. le duc de Broglie écrivait encore, un mois plus tard, à notre ambassadeur à Vienne : « J’ai dit, je le répète, à M. de Hügel, à M. de Werther et à M. le comte de Pozzo, en termes également formels, que, de même que les trois cours se réservaient le droit d’intervenir, lorsqu’elles le croiraient utile à leurs intérêts, dans les affaires d’un état indépendant, la France, le cas échéant, serait bien certainement libre de s’y opposer, si elle croyait devoir le faire. »

Cette réponse, qui honore à la fois à un si haut degré M. le duc de Broglie et le gouvernement dont il était l’organe, fut bientôt suivie d’une déclaration que l’histoire doit enregistrer pour la saine appréciation de la politique pacifique du roi Louis-Philippe, si impudemment caractérisée par la formule de paix à tout prix. « Sachez, disait le ministre des affaires étrangères aux trois ambassadeurs et ministres des cours du nord, sachez que le roi est résolu à ne souffrir à aucun prix l’intervention des forces étrangères en Belgique, en Suisse, en Piémont, en Espagne. »

Cette dernière déclaration fit grande sensation à Vienne, à Berlin, à Saint-Pétersbourg. A Vienne, le prince de Metternich ayant émis quelques doutes devant M. de Sainte-Aulaire, ambassadeur de France, sur la véritable intention de notre cabinet relativement au Piémont, que le prince prétendait ne pouvoir être compris dans sa déclaration, notre ambassadeur répondit dans des termes que je ne transcris pas sans fierté pour le gouvernement que j’ai servi :