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tenaces du roi Guillaume, cherchait à gagner du temps et à retarder l’entrée des Français en Belgique au moyen de négociations de détail qui n’étaient pas exemptes de défiance.

En présence de ces nouveaux délais, dont souffraient également les intérêts de la France et de la Belgique, le roi Louis-Philippe résolut d’agir, et réunit à cet effet, dans la matinée du là novembre, son conseil des ministres, où siégeaient alors M. le duc de Broglie comme ministre des affaires étrangères et M. Thiers comme ministre de l’intérieur. L’un et l’autre se prononcèrent avec énergie pour l’entrée immédiate en Belgique, et il fut décidé d’un commun accord que deux dépêches télégraphiques seraient adressées séance tenante, l’une au général Gérard, pour lui donner l’ordre de marcher en avant, et l’autre au prince de Talleyrand, pour qu’il eût à informer sans retard le gouvernement anglais de la décision irrévocable qui avait été imposée au gouvernement français par la gravité des circonstances.

Le 15 novembre, dès la pointe du jour, l’armée française entrait en Belgique. Le 18 au soir, le duc d’Orléans, accompagné de son jeune frère le duc de Nemours, arrivait devant Anvers à la tête de l’avant-garde, et après cinq semaines d’une lutte sanglante et glorieuse, une capitulation livrait à l’armée française la dernière citadelle que la Hollande possédât en Belgique.

La première expédition de l’armée française avait sauvé la Belgique naissante ; la deuxième mit en possession de tout son territoire et constitua par le fait, en attendant la signature de la Hollande, cette nation catholique et libérale, qui donne au monde le consolant spectacle d’un état jouissant de tous les bienfaits d’une large liberté, sous la double influence du bon sens calme et patient de son peuple et de la sagesse consommée du prince éminent qui la gouverne.

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Ces principes, ces actes du gouvernement français, si directement contraires à l’esprit qui avait inspiré les traités de 1815, les grands résultats qui en avaient même altéré la lettre, avaient rapproché chaque jour davantage les souverains d’Autriche, de Prusse et de Russie dans un sentiment commun de défiance et de secrète hostilité.

La Belgique, le Portugal, l’Italie, la Pologne, avaient été déjà l’objet de communications incessantes entre les trois cabinets du nord. L’empereur Nicolas y substitua son action directe et personnelle, provoqua une conférence entre les trois souverains, qui se rencontrèrent bientôt dans une petite ville d’Allemagne, et proposa, dans ce congrès restreint de la sainte-alliance, un accord commun pour réagir contre la politique de la France. Cette proposition, accueillie par l’empereur d’Autriche et le roi de Prusse sous la réserve de quelques modifications de forme, donna lieu à une communication presque simultanée des ambassadeurs et ministres des trois cours, qui remirent, dans les premiers jours de novembre 1833, à M. le duc de Broglie des notes différentes par les termes, mais identiques dans leurs conclusions. Ces conclusions portaient que, « si la France, qui a si bien