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les roches siliceuses, les quartzites, parvinrent sous forme de cailloux arrondis dans la plaine du Rhône : ils y formèrent de grandes nappes dont la Crau est la plus étendue et la plus célèbre. Ces cailloux ne s’arrêtèrent pas au bord de la mer, ils dépassèrent le rivage. Depuis cette époque, des milliers d’années se sont écoulées ; ces cailloux, balancés par le flot, s’usèrent réciproquement et prirent la forme de galets aplatis ; mais le sable, résultat de cette usure, emporté par les vents, a formé les dunes que nous voyons. Les cailloux générateurs du sable n’ont pas tous disparu de la plage : non loin de Montpellier, on les trouve mêlés aux coquilles ; aussi le sable des dunes est-il formé de 75 pour 100 environ de silice et de 25 pour 100 de calcaire, provenant en grande partie des coquilles que le flot broie contre le rivage. Ainsi tout se lie à la surface du globe, et les dunes des rivages languedociens doivent leur origine aux débris accumulés d’abord dans les vallées par les anciens glaciers des Alpes, puis entraînés jusqu’à la mer par les torrens gigantesques auxquels la fonte de ces glaciers a donné naissance.

La Société helvétique, pendant sa session de 1863, a reçu bien d’autres communications intéressantes, parmi lesquelles je dois mentionner celles de MM. Omboni de Milan, Strobel de Pavie et Moesch d’Aarau. Le professeur Theobald de Coire, aussi intrépide montagnard que bon géologue, s’est voué principalement à l’étude des puissans massifs du canton des Grisons. Ministre du saint Évangile, il a, comme l’abbé Stoppani, abandonné la théologie pour la géologie, et si tous deux trouvent dans cette nouvelle étude des doutes comme dans la première, ils ont au moins la consolation de pouvoir les contrôler par l’observation directe. Leurs travaux contribuent aux progrès d’une science qui suivait encore, il y a trente ans, les erremens de celle qu’ils ont abandonnée : en effet, la géologie est à peine sortie de cette période initiale où les généralisations hâtives remplacent l’étude sincère et patiente de la nature, période stérile, mais inévitable, car il n’est aucune des connaissances humaines qui ne l’ait traversée. La géologie moderne, c’est l’examen méthodique des couches du globe et des êtres dont elles renferment les débris, c’est l’analyse des phénomènes qui se passent actuellement à la surface de la terre et la comparaison des effets qu’ils produisent avec ceux dont nous voyons les traces dans les divers terrains. Jadis chaque géologue avait son système s’appliquant au globe tout entier, et s’étendant même quelquefois à la lune ; aujourd’hui personne n’a de système, mais chacun étudie son pays ou une contrée déterminée. Les faits généraux ressortent naturellement de ces travaux particuliers, et quand le globe sera bien connu, les phénomènes actuels bien appréciés, la géologie sera faite.