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« La demande de la banque de Bordeaux, disait l’exposé des motifs, a été soumise à toutes les formalités d’une longue et attentive instruction. La chambre de commerce, le juge le plus compétent des besoins de cette grande ville maritime, le préfet de la Gironde, le conseil d’état, ont émis des avis favorables au renouvellement de cette banque, et tous les intérêts attendent avec sécurité, mais avec une légitime impatience, le résultat à intervenir. » Voici en quels termes la chambre de commerce avait donné son avis : « La banque de Bordeaux existe depuis vingt-sept ans; elle a traversé des époques bien difficiles, et il est impossible de méconnaître les immenses services qu’elle a rendus au commerce de cette place. Dans toutes les crises commerciales, elle s’est fait un devoir de maintenir les escomptes au taux le plus bas possible (4 pour 100)[1], d’augmenter les facilités des négociations en restant cependant dans les bornes de la prudence, de faire venir à grands frais du numéraire sur la place, afin d’y entretenir la confiance par une abondante circulation d’espèces. Grâce à cette conduite sage et éclairée, la gêne financière est devenue rare dans notre ville, et, pour ne citer qu’un exemple bien près de nous, la crise commerciale qui vient de se faire sentir non-seulement en France, mais à l’étranger, est passée inaperçue sur la place de Bordeaux. » M. Clapier, député de Marseille, rapporteur de la loi, conclut à l’adoption; il examina le système de la banque unique et le combattit. « C’est une pensée, dit-il, qui ne manque ni d’éclat ni de grandeur que celle de constituer en France un vaste établissement de crédit destiné à couvrir de ses rameaux le pays tout entier. Cette pensée flatte à première vue ce goût de centralisation et d’unité dont l’influence a longtemps dominé tous les esprits, et qui, pour n’être plus aujourd’hui aussi exclusif et aussi absolu, n’en forme pas moins le trait distinctif de nos institutions. Cependant, examiné de près, soumis à une rigoureuse analyse, ce système ne réalise pas tous les avantages que pourrait faire supposer un coup d’œil superficiel. Au point de vue politique, il peut n’être pas convenable d’élever à côté du gouvernement une vaste et puissante institution, dont les ramifications et les employés couvrent la France entière, et qui, devenant l’arbitre souverain du crédit, et par le crédit de toutes les fortunes industrielles et commerciales, finirait par acquérir une influence excessive. Au point de vue commercial, les départemens auraient peut-être un juste sujet d’alarmes de voir le sort de leur commerce et de leur industrie lié tout entier à celui d’un seul établissement, à se sentir condamnés à subir la solidarité

  1. La banque de Lyon avait fait mieux, elle avait soutenu ses escomptes à 3 1/2 et même 3 pour 100.