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pas exact de dire, comme on l’insinue quelquefois, que l’absorption fut déjà un fait à moitié consommé en 1848.

Ce qui a permis la confusion, c’est que, dans l’opinion des hommes les plus éclairés, l’organisation des banques ne pouvait pas être laissée dans l’anarchie. On voulait une réglementation sévère. La trop grande multiplicité des banques effrayait à bon droit. On sentait la nécessité de se rapprocher le plus possible de l’unité de circulation ; mais de là à supprimer les banques existantes il y avait loin. Les administrateurs des banques départementales allaient eux-mêmes au-devant d’une modification de leurs statuts. Dans les discussions préliminaires de la loi de 1840, les délégués de huit banques sur neuf avaient demandé qu’elles pussent payer réciproquement leurs billets à ordre et leurs billets au porteur, avec l’obligation d’équilibrer leurs comptes au moins une fois par mois. C’était supprimer le fâcheux isolement dont on devait se faire une arme terrible en 1848. À cette demande si naturelle et si légitime, les banques en ajoutaient d’autres qui auraient été aussi de véritables progrès, comme la faculté d’escompter des effets à deux signatures accompagnées de garanties spéciales, et de servir un faible intérêt aux comptes courans. Le rapporteur de la loi à la chambre des députés, M. Dufaure, ne rejeta pas ces propositions; il les ajourna sans les discuter, par le motif que la loi proposée ne s’occupait que de la Banque de France. Les chambres ne se sentaient pas assez éclairées; elles attendaient du temps de nouvelles lumières.

On invoque quelquefois, en faveur de la banque unique, le rapport que fit alors M. Rossi à la chambre des pairs. Ce rapport ne concluait nullement à l’extinction des banques départementales. « Quoiqu’il convienne au pays, disait en propres termes M. Rossi, de persévérer dam le système des institutions locales, il n’est pas moins vrai qu’il faut tendre, si ce n’est vers l’unité, du moins vers l’uniformité. On peut multiplier les banques, il serait imprudent de multiplier les systèmes. Un jour peut-être tous ces établissemens, ainsi que ceux qui surgiront plus tard, pourront se coordonner entre eux et former, j’oserais presque dire une sorte de système planétaire. » M. Rossi n’admettait pas seulement la conservation des banques existantes, il supposait qu’on pourrait en créer de nouvelles; il demandait seulement qu’elles fussent toutes soumises au même régime, présentant ainsi, suivant sa belle comparaison, cette unité dans la variété qui anime le système du monde.

Mais c’est surtout dans la discussion de février 1848 qu’il faut chercher le dernier mot du gouvernement parlementaire sur cette question. La loi pour le renouvellement de la banque de Bordeaux avait été proposée par M. Cunin-Gridaine, ministre du commerce.