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On fait beaucoup valoir, à l’honneur de la banque unique, les progrès qu’ont faits depuis 1848 les opérations de crédit. Il est vrai que, de 2 milliards 660 millions en 1847, les escomptes se sont élevés à 5 milliards 688 millions en 1863 : ils ont plus que doublé; mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit ici d’une période de seize ans, et le cours de ces seize années a vu le plus grand événement économique des temps modernes, qui a donné dans le monde entier une impulsion inouïe au commerce, l’établissement des chemins de fer. Les progrès auraient-ils été plus ou moins rapides avec plusieurs banques qu’avec une? Voilà la véritable question. Il ne paraît pas douteux que si, au lieu de se concentrer dans un seul foyer et de rayonner sur un petit nombre de satellites, le crédit avait pu s’étendre plus également sur toute la surface du territoire, il aurait donné encore plus de résultats. Ce qui le prouve, c’est que les escomptes de la banque centrale n’ont pas tout à fait doublé, tandis que ceux des succursales ont presque triplé. Puisqu’un pareil accroissement a pu se produire dans cinquante-trois succursales, dont plusieurs ne datent que de quelques années, qu’aurait-on pu attendre des banques multiples! De ce que les banques locales n’avaient pas le droit d’établir des comptoirs, il ne faut pas en conclure qu’elles ne l’auraient jamais eu. On voit au contraire poindre le germe des comptoirs bien avant 1848. L’article 7 de la loi de 1842 sur la banque de Rouen portait que les opérations de la banque consisteraient à escompter des lettres de change et autres effets de commerce payables à Rouen, à Paris, au Havre, à Elbeuf, à Darnetal, à Yvetot, à Bolbec, à Fécamp, à Dieppe et à Louviers. Ce n’étaient pas encore des comptoirs, mais peu s’en fallait; il ne s’agissait pas seulement de chefs-lieux d’arrondissement comme Le Havre, Dieppe, Yvetot ou Louviers, mais de chefs-lieux de canton comme Elbeuf, Darnetal, Bolbec et Fécamp.

On peut d’autant mieux juger l’administration des banques locales qu’on peut les comparer aux comptoirs de la Banque de France, qui existaient en même temps. La Banque de France avait dès lors le droit d’établir des comptoirs où elle le jugeait à propos, et elle en avait usé suivant ses convenances. Elle en avait institué quatorze en tout. Les escomptes de ces quatorze comptoirs s’élevaient en 1847 à 479 millions, tandis que ceux des neuf banques départementales atteignaient 850 millions; les uns ne dépassaient guère la moitié des autres. Si la Banque de France n’avait pas, établi plus de comptoirs, c’est qu’elle n’avait pas voulu. Plusieurs villes s’étaient adressées à elle pour en obtenir un, et elle avait refusé. C’est à son défaut qu’on avait eu recours aux banques départementales.

Les partisans du monopole se placent sous la protection de Napo-