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dise, une question résolue, non pour le marché général des capitaux où l’intérêt doit être libre, mais pour un établissement privilégié. La Banque de France a vécu longtemps sous le régime de l’intérêt fixe, et elle ne s’en est pas si mal trouvée. Qu’on élève le taux de l’intérêt quand on apporte au commerce de nouvelles ressources, cela se comprend et se justifie : mieux vaut avoir à 10 pour 100 100,000 francs dont on a besoin que 50,000 à 5 pour 100 seulement; mais ce n’est pas ainsi que procède la Banque de France. Au lieu d’augmenter la somme de ses escomptes en élevant son intérêt, elle la réduit, de sorte que le commerce trouve moins de secours en même temps qu’il les paie plus cher. Une expérience tentée par deux fois en Angleterre montre qu’il ne serait pas impossible de mieux faire. La limitation rigoureuse de l’émission, si nécessaire pour fonder le crédit des banques, pourrait être maintenue en temps ordinaire, et alors le taux de l’escompte n’excéderait pas un maximum déterminé. En temps de crise, le gouvernement pourrait autoriser les banques à augmenter leur émission en élevant le taux de leurs escomptes, à la condition de rentrer le plus tôt possible dans leurs limites régulières, soit pour l’escompte, soit pour l’émission. C’est à peu près ce qui s’est passé en 1847 et 1857, quand le gouvernement anglais a suspendu temporairement l’acte de 1844. De cette façon, la hausse de l’intérêt deviendrait légitime, comme compensation d’un nouveau risque et d’un nouveau service, et au lieu d’une brusque restriction le commerce trouverait plus de ressources au moment où il en a besoin. Ce serait comme un réservoir qui se remplirait en temps ordinaire et qui se viderait en temps de crise. Les combinaisons possibles sont infinies, et nous avons encore beaucoup à apprendre pour le mécanisme du crédit.

Encore un coup, le régime de la banque unique est tout récent, il ne date que de 1848. La pluralité était au contraire la législation de la France jusqu’à la révolution de février. Neuf banques locales fonctionnaient au commencement de 1848, à Rouen, à Nantes, à Bordeaux, à Lyon, à Marseille, à Lille, au Havre, à Toulouse et à Orléans. Quelques-unes avaient déjà trente ans de durée, d’autres ne dataient que de dix ou douze ans. On pouvait signaler dans leur constitution plusieurs défauts graves; elles avaient un capital trop faible et un rayon trop restreint, elles ne pouvaient ni instituer de comptoirs ni correspondre entre elles. Ces vices tenaient à l’inexpérience générale en matière de crédit, ils se seraient corrigés avec le temps, car ils commençaient à frapper tous les yeux, et, le privilège de chaque banque n’étant prorogé que pour quinze ou vingt ans, l’occasion se présentait périodiquement d’y introduire les réformes utiles. Telles qu’elles étaient, elles avaient porté leurs es-