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billets en circulation peut s’accroître d’une quantité inconnue, mais qui arrive probablement à 2 ou 300 millions, à la seule condition qu’ils soient représentés par de suffisantes réserves métalliques. Or, bien qu’illimitée en droit, l’émission de la Banque de France a évidemment atteint et même dépassé son maximum, tant que ses conditions d’existence n’auront pas changé. Elle-même travaille à se réduire, et elle a bien raison. De 864 millions au mois de janvier 1863, sa circulation est descendue à 746 millions au mois de mars 1864. Faut-il en conclure que de nouvelles banques, en versant un nouveau capital, ne pourraient pas constituer de nouvelles réserves métalliques, et par conséquent justifier de nouvelles émissions? Il y a un mot dont on fait aujourd’hui un grand usage, un de ces mots commodes qui ont l’air de rendre compte de tout, celui de crise monétaire. La France est sans comparaison le pays de l’Europe qui possède le plus d’or et d’argent; elle en a à elle seule autant que tout le reste de l’Europe ensemble. D’où vient cependant que la Banque de France en manque à tout moment? Il n’est pas impossible que l’exportation du numéraire y soit pour quelque chose; mais il se peut aussi que la constitution de la Banque y soit pour beaucoup plus. Nous ne le saurons exactement que quand nous pourrons lui comparer d’autres banques qui auront leur capital libre et réalisé en argent. Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son. L’exportation du numéraire, telle du moins que l’a constatée la douane, n’a pas atteint en 1863 100 millions, c’est-à-dire le soixantième de notre capital métallique, qui ne doit pas être au-dessous de 6 milliards[1]. Voilà une bien petite cause pour produire de si grands effets.

C’est beaucoup moins par des émissions, comme l’a remarqué M. Victor Bonnet, que par des dépôts en comptes courans que doit désormais s’étendre le crédit. A cet égard encore, la Banque de France a touché sa limite; elle recule au lieu d’avancer. Il y a quelques années, les comptes courans des particuliers atteignaient 300 millions; ils ne sont plus que de 150. Pourquoi? Tout le monde le sait, parce que la Banque ne donne pas d’intérêt. De grands établissemens se sont formés à côté d’elle pour intercepter les capitaux flottans en leur accordant un intérêt. Ces établissemens ne desservent guère que la ville de Paris, et même imparfaitement, car on cherche encore les moyens d’y populariser l’usage du chèque, si répandu en Angleterre et en Amérique. Pour la province, il n’y a rien ou à peu près rien. La province renferme pourtant beaucoup

  1. Exportation des métaux précieux en 1863, 618 millions; importation, 532 millions ; différence, 86 millions. Dans la période de 1848 à 1862, l’importation a excédé l’exportation de plus de 2 milliards, qui ont dû rester en France.