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pas sérieuse. Qui ne sait que, dans l’état actuel de nos habitudes, une banque locale, privée du droit d’émission, ne peut s’établir qu’avec beaucoup de peine et n’agir qu’avec des moyens insuffisans? Qu’en Angleterre et en Amérique des banques puissent se soutenir avec la seule ressource des comptes courans, ce n’est pas une raison pour qu’il en soit de même en France, hors de Paris et de quatre ou cinq grandes places de commerce. Nous voyons que, même en Angleterre et en Amérique, les banques réunissent presque toujours la ressource des émissions à celle des comptes courans, et certainement l’usage du chèque n’aurait pas pris tant de développement, si le droit d’émission ne l’avait précédé. Si la Banque de France n’avait que ses comptes courans, elle ne ferait pas le cinquième de ses affaires; son immense émission fait toute sa puissance. Les petits banquiers de nos petites villes n’offrent aucune garantie, ils le prouvent tous les jours par le nombre de leurs faillites. Rien ne limite le prix qu’ils mettent à leurs services, et le bruit public les accuse souvent de profits usuraires. C’est précisément pour débarrasser le commerce de ces secours équivoques qu’on réclame des banques autorisées et réglées par la loi. Un jour viendra peut-être où le droit d’émission sera moins exigé, mais pour le moment c’est la condition nécessaire de tout développement sérieux.

On se sert quelquefois, à l’appui de la banque unique, de l’exemple des lois rendues en Angleterre, en 1844 et 1845, sur la proposition de sir Robert Peel, pour réglementer l’industrie des banques. Cet exemple ne dit pas ce qu’on veut lui faire dire, il dit même le contraire. Il prouve que les Anglais ont senti la nécessité de mettre des limites aux émissions, qui étaient auparavant tout à fait arbitraires; mais la pluralité des banques n’entraîne nullement l’émission illimitée. C’est la Banque de France qui jouit de ce droit excessif, et l’exemple des lois de sir Robert Peel tourne directement contre elle. Il est vrai que cet homme d’état s’est montré peu favorable à l’extrême multiplicité des banques anglaises et qu’il a manifesté le désir d’en réduire le nombre; mais ce nombre, quel était-il? Dans un pays grand comme le quart de la France, il y avait et il y a encore plus de deux cents banques ayant le droit d’émission, sans compter les succursales ou branches. On comprend sans peine que, devant une pareille diversité, sir Robert Peel ait reculé. A-t-il supprimé une seule banque? Pas une seule. Il s’est borné à empêcher qu’on n’en créât de nouvelles. Si la France avait autant de banques d’émission que l’Angleterre proportionnellement à sa surface, elle en aurait mille. Nous n’en demandons pas tant.

Après l’Angleterre, on cite la Belgique. La Belgique est, comme