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excessive de ces immenses capitales qui menacent d’absorber peu à peu toutes les forces vives d’une nation.

La constitution de la Société helvétique est fort simple. Pour être élus, les membres ordinaires doivent être nés en Suisse ou y remplir des fonctions publiques ; ils sont maintenant au nombre de huit cent neuf. Les étrangers ont le titre de membres extraordinaires ou honoraires. Les séances sont publiques. Depuis 1815, la Société helvétique s’est réunie quarante-sept fois. Jusqu’en 1828, elle visita successivement tous les chefs-lieux des cantons ; mais en 1829 la réunion eut lieu à l’hospice du Grand-Saint-Bernard, à 2,474 mètres au-dessus de la mer. Soixante et onze personnes jouirent de l’hospitalité du couvent, et inaugurèrent les observations météorologiques, que les religieux continuent depuis 1830 avec une persévérance dont la science a déjà recueilli les fruits. Des villes secondaires, telles que Winterthur, Porentruy, la Chaux-de-Fonds, Trogen, avaient sollicité l’honneur de posséder la société dans leurs murs ; mais jamais un village n’avait témoigné ce désir en acceptant les charges très réelles de ces réunions. Samaden est le premier : il s’est fait un titre de sa situation à l’extrémité de la Suisse et dans une des vallées les plus élevées de ses montagnes. Son appel a été entendu. Tous les villages de la Haute-Engadine s’étaient associés à celui de Samaden pour donner l’hospitalité aux membres de la société, et quel que fût le nombre des arrivans, la vallée était prête à les recevoir. Cent vingt-six seulement se présentèrent, savoir : quatre-vingt-quinze Suisses, seize Allemands, quatorze Italiens et un Français, celui qui écrit ces lignes. Le milieu de juillet avait été pluvieux. Le bruit s’était répandu qu’en Engadine cette pluie, tombant à l’état de neige, avait couvert le sol d’une couche de deux pieds d’épaisseur. La nouvelle était exacte ; mais cette neige récente devait ajouter un charme de plus à ce paysage alpin. Lorsque je descendis du haut du Juliers le 23 août avec mes amis Vogt et Desor, la neige était fondue dans la vallée. L’herbe, récemment humectée, avait repris sa fraîcheur printanière. Les massifs élevés des montagnes n’étaient plus maculés par ces lambeaux de glaciers et de névés salis par la poussière, aspect caractéristique de l’automne dans les hautes régions. Une couche de neige blanche, immaculée, resplendissant au soleil, enveloppait de ses replis toutes les cimes supérieures à la limite des forêts. Le groupe du Bernina étincelait comme un diamant au-dessus des lacs aux teintes d’émeraude. Ce spectacle absorbait toute notre attention lorsque nous arrivâmes à l’entrée de Samaden. Déjà nous avions passé sous les arcs de verdure dressés aux portes de Saint-Maurice et de Celerina ; celui de Samaden portait le drapeau des ligues grises, gris, bleu et blanc,