primé, relié, vendu et débité un libelle infâme contre le roi, l’Ombre de M. Scarron[1], avec une planche gravée de la statue de la place des Victoires; mais au lieu des quatre figures qui sont aux angles du piédestal, c’étoient quatre femmes qui tenoient le roi enchaîné. Mme de La Vallière, Mme de Fontanges, Mme de Montespan et Mme de Maintenon. Le graveur est en fuite. J’estime qu’on ne peut assez punir ces insolences contre le souverain, puisque, par les ordonnances, le moindre particulier est en droit de demander réparation des libelles diffamatoires qui seroient faits contre lui. On a trouvé des paquets de ce libelle jetés la nuit dans la rivière, entre le pont Notre-Dame et le Pont-au-Change.
«Décembre. — Le lundi 20, le nommé Chavance, garçon libraire, natif de Lyon, fut condamné, par sentence de M. de La Reynie, à être pendu et mis à la question pour l’affaire des livres mentionnés en novembre; il eut la question et jasa, accusant des moines. La potence fut plantée à la Grève et la charrette menée au Châtelet. Survint un ordre de surseoir à l’exécution et au jugement de La Roque, autre accusé, fils d’un ministre de Vitré et de Rouen, qui a fait la préface de ces impudens livres. On dit que Chavance est parent ou allié du père La Chaise, confesseur du roi, qui a obtenu la surséance... »
Plus on s’éloigne d’une époque, surtout quand la période intermédiaire s’appelle le XVIIIe siècle, plus il importe de tenir compte de la différence des milieux et de la modification des idées sur les points fondamentaux. Il serait donc tout à fait injuste d’imputer ces condamnations capitales qui frappaient des imprimeurs et des libraires à La Reynie, simple instrument, subissant l’influence des passions de son temps, suffisamment attestées par les aveux de l’avocat Bruneau. Si La Reynie avait été naturellement dur et inhumain, ce sentiment aurait trouvé mille occasions de se faire jour dans ses nombreuses lettres, ainsi que cela est arrivé à Louvois, chez qui la pensée des scènes les plus déchirantes, triste conséquence de ses ordres barbares, n’excite jamais un mouvement de pitié. Au surplus, pendant que La Reynie, pour remplir les pénibles devoirs de sa charge, se laissait aller à trop de sévérité dans la répression des excès de l’imprimerie, il protégeait efficacement les imprimeurs zélés pour le progrès de leur art. Le 19 novembre 1671, il écrivait à Colbert au sujet du sieur Vitré : « Sa longue expérience et la connaissance qu’il a des causes qui ont maintenu ou détruit l’imprimerie dans le royaume, selon la diversité des temps, ne nous ont pas été d’un médiocre secours. » Il proposait en conséquence d’augmenter sa pension, « qui étoit médiocre, » et d’allouer aux sieurs Thierry et Petit, pour la belle impression de leurs livres,
- ↑ Il existe un pamphlet intitulé : Scarron apparu à madame de Maintenon, et les reproches qu’il lui fait sur ses amours; Cologne, Jean Le Blanc, 1694, in-12 de trente-six pages, y compris la gravure. — C’est peut-être de celui-là qu’il s’agissait.