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REVUE. — CHRONIQUE.

sini, œuvre puissante comme musique, et qui n’est pas dépourvue, comme on l’a dit, de tout sentiment religieux. Le quatuor sans accompagnement, — quando corpus morietur, — est l’expression profonde du texte sacré, et le duo charmant pour deux voix de femme, — quis est homo, — est aussi religieux que la musique de Cherubini. Les sœurs Marchisio ont chanté ce duo avec la perfection qu’elles mettent dans le duo de Sémiramis. Carlotta, qui possède une des plus belles voix de soprano qu’on puisse entendre, a chanté l’air avec chœur, — Inflammatus, — avec un éclat de sons purs qui éblouissent l’oreille sans la blesser. Dans le finale, elle n’a pas été moins heureuse que dans les morceaux précédens, et son succès a été grand et mérité.

Les nouveautés musicales n’ont pas manqué cette quinzaine au théâtre ; mais nous avons besoin de revoir, d’entendre encore ces œuvres fraîchement écloses. Pour le moment, il nous reste à dire que Fraschini est de retour et qu’il a reparu aux Italiens le 30 mars dans le rôle de Manrico du Trovatore. Il a été rappelé plusieurs fois, ainsi que Carlotta Marchisio, qui a déployé aussi les plus rares qualités. La soirée a été belle, et quelques parties de ce drame vigoureux ont produit un grand effet.

P. Scudo.


ESSAIS ET NOTICES.


DE QUELQUES OPINIONS SUR LA JEUNESSE CONTEMPORAINE.


La jeunesse aujourd’hui donne à ses pères de grands soucis, et il faut avouer que cette inquiétude est bien naturelle à une heure où nulle chose ne semble définitive, où les hommes, déçus et mécontens, demeurent tournés vers l’avenir comme dans l’attente d’une réparation. Un livre publié il y a quelque temps reproduit cette grave préoccupation que les nouveau-venus inspirent aux anciens. L’auteur, M. Achille Gournot, reconnaît que cette jeunesse, avec laquelle il est nécessaire de compter, paraît se présenter sous un vilain jour à ceux qui veulent l’étudier. Aussi ne se fait-on pas faute de la malmener. Ce sont les jeunes gens que le doigt désigne quand, le mot décadence est sur les lèvres, et toutes les fois que l’on parle d’eux, ce n’est qu’avec cette tristesse mêlée de mépris qui achève les méchantes réputations. La jeunesse pourtant, s’il faut en croire du moins des hommes sortis de ses rangs et qui parlent en sa faveur, ne s’effraie pas trop de ces malveillans pronostics ; elle pense que l’heure est venue de connaître la vérité. A-t-elle décliné la tâche qui lui revenait et le rôle qu’elle avait à prendre ? ou bien a-t-elle l’attitude logique de la situation, celle de son droit et de son devoir ? Ce qui est certain, c’est que l’on trouve dans le passé des comparaisons qui semblent accablantes pour elle, et que l’on évoque volontiers ses devanciers de 1830 en lui disant : « Il fallait les voir